La grève entamée par les magistrats paraissait encore loin de connaître son épilogue hier. Les deux parties continuaient à camper chacune sur sa position dans une ambiance marquée par une volonté manifeste d'augmenter la pression du côté des juges et des procureurs. Abla Chérif - Alger (Le soir) - Contrairement à la première journée, dimanche, durant laquelle les actions se sont pratiquement limitées au gel des principales activités de la justice, celle d'hier a été marquée par un rassemblement devant la cour d'Alger durant lequel un message très significatif a été lu par un représentant du Syndicat national des magistrats (SNM). L'intervenant a appelé les présidents de juridiction à ne pas obéir aux instructions qui leur ont été adressées la veille par le secrétaire général de la justice afin que ces derniers passent à l'exécution des mutations décidées dans le cadre du mouvement contesté. Ces instructions ont été qualifiées «d'irréfléchies» avant d'ajouter : «Ils (nos collègues) doivent se positionner avec l'ensemble des magistrats qui seront un réel soutien pour eux (...) les postes ne sont éternels pour personne.» Le message principal de la journée a, cependant, été transmis par le président du SNM qui est intervenu en marge du rassemblement pour «recadrer» et recentrer le débat sur ce qu'il considère comme étant les véritables objectifs de la protestation à laquelle il a appelé. Issad Mabrouk a, d'abord, nié l'existence de tout problème direct ou né d'un conflit avec Zeghmati ni même avec le ministère de la Justice et a assuré que la grève était, ni plus ni moins, que la conséquence d'une «somme de problèmes et d'insuffisances». Mais il s'insurge, ensuite, contre le fait que la mutation des magistrats ait été liée à la lutte anti-corruption en cours. Ses termes sont explicites : «La lutte contre la corruption ne se fait pas de manière conjoncturelle, dit-il, elle a plutôt besoin d'outils juridiques. Il est insensé de muter près de 3000 juges à la fois sous prétexte de lutter contre la corruption. Celle-ci doit être extirpée, la mutation est une manière de réhabiliter la corruption ou de lui changer simplement d'endroit.» Même si elle était soupçonnée, la véritable motivation des changements opérés par Zeghmati n'a jamais été exprimée de manière ouverte et encore moins officielle. Elle a été dévoilée hier par le SNM. Restait une question: à qui s'adressait véritablement Issad Mabrouk, sachant qu'il avait tenu à épargner Zeghmati dans le préambule de sa déclaration ? Il précise, enfin : «C'est l'absence de prise en charge des problèmes du secteur qui a mené à cette situation tendue. Notre revendication aujourd'hui est l'indépendance effective de la justice, conformément à la volonté populaire mais loin de tout populisme.» Il faut dire que la grève des magistrats a été appréciée de manière différente par l'opinion. Certains affichaient un certain scepticisme, y voyant uniquement un mouvement de protestation corporatiste. Ce qu'il faut aussi savoir, c'est qu'aucune suite n'a été enregistrée hier et jusqu'en fin d'après-midi dans l'affaire du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Ce dernier avait annoncé, lundi soir, avoir saisi Abdelkader Bensalah lui demandant de convoquer une session extraordinaire pour trouver une «solution urgente à la situation». Les signataires du communiqué soutenant les revendications du SNM ont également tenu à confirmer la véracité du texte après que celui-ci eut été déclaré faux et illégal par le ministère de la Justice. A. C.