Des experts ont plaidé, hier, pour l'institutionnalisation de la pratique de l'évaluation des politiques publiques. En Algérie, plus de 100 milliards de dollars ont été dépensés, ces vingt dernières années. Pourtant, le pays s'apprête à vivre, peut-être, "une de ses plus graves crises économique, financière et sociale", a indiqué Amer Koceïla, ancien inspecteur des finances, lors d'une rencontre sur "la pratique de l'évaluation des politiques publiques en Algérie", organisée par le Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (Care), à l'hôtel Sofitel à Alger. Pourquoi et comment l'Algérie se retrouve-t-elle dans cette situation ? Pour Amer Koceïla, qui exerce actuellement en tant qu'expert international en finances publiques et gestion des investissements publics, "seule une évaluation rigoureuse des politiques publiques pourrait nous renseigner". L'ancien inspecteur des finances (évaluation des politiques publiques) souligne que la pratique de l'évaluation n'est pas institutionnalisée. Amer Koceïla explique que la pratique de l'évaluation est fortement dépendante des mandats politiques. Son institutionnalisation et son orientation dépendent de la volonté politique. Selon l'expert, pour l'ensemble des pays qui pratiquent l'évaluation des politiques publiques, c'est la nécessité d'assainir les finances publiques qui a été l'élément déclencheur. "En Algérie, je suis convaincu qu'on est à un stade de non-retour. Les administrations, quelle que soit l'issue, doivent se préparer à adopter les instruments modernes de gestion des deniers publics. Ce n'est pas un choix ni une mode. C'est un impératif", a affirmé Amer Koceïla. Sans vouloir être fataliste, l'expert prévient que la crise qui s'annonce "peut avoir des conséquences très dangereuses". Aujourd'hui, relève-t-il, "l'exigence des citoyens est déjà très importante, demain, elle le sera encore davantage". L'ancien inspecteur des finances a listé certaines conditions à réunir pour mettre en place une démarche d'évaluation pérenne et vertueuse. Il évoque notamment l'adhésion à tous les niveaux des administrations et la responsabilisation des gestionnaires. Il cite la nécessité d'adopter une stratégie d'évaluation, en priorisant les objets à évaluer. Amer Koceïla a parlé, aussi, d'un dispositif de conduite professionnalisé et de la mobilisation de l'opinion publique. "Sans nous réjouir de la crise qui se profile, à l'horizon 2021, nous espérons que cette pratique de l'évaluation pourra prendre sa place dans le processus décisionnel, non seulement dans la définition des actions pour faire face à la crise, mais également pour l'adoption de l'évaluation comme culture de gouvernance", a-t-il dit. "Le paradigme de l'évaluation a beaucoup évolué. Nous restons en retard", a constaté, pour sa part, Mohamed Bouchakour, président de l'Association pour la promotion de l'évaluation du développement. Dans son intervention, M. Bouchakour a fait état des dispositifs Ansej et Cnac qui sont à bout de souffle. "On crée de moins en moins d'entreprises qui coûtent de plus en plus cher à la collectivité et qui créent de moins en moins d'emplois", relève-t-il. Evoquant les institutions concernées par la pratique d'évaluation, M. Bouchakour cite, entre autres, le Conseil national économique et social (Cnes). Du point de vue de la Constitution, le Cnes est l'institution en charge de l'évaluation. "Tous ses membres sont, aujourd'hui, hors mandat. Ils n'ont pas été renouvelés. Depuis deux ans, il est sans président", constate-t-il. L'Association pour la promotion de l'évaluation du développement plaide pour l'institutionnalisation de l'évaluation à travers une loi-cadre.