Le candidat à l'élection présidentielle du 12 décembre prochain Abdelkader Bengrina a raté son bain de foule prévu à la Grande-Poste et dans certaines artères d'Alger-Centre, qu'il a choisies pour donner, hier matin, le coup d'envoi de sa campagne électorale. Il est 11h10 quand le candidat du Mouvement El-Bina arrive à bord d'un véhicule banalisé, escorté par deux véhicules de police. Accompagné d'une trentaine de personnes, dont les membres de son staff de campagne, M. Bengrina avait la mine tendue. Gêné devant les dizaines de curieux qui scandaient des slogans hostiles à cette joute électorale, il est dirigé vers l'escalier principal de la Grande-Poste, entouré par un impressionnant dispositif de police qui veillait contre un éventuel débordement. Il aura fallu une vingtaine de minutes pour qu'enfin le candidat du parti islamiste prenne la parole pour prononcer une courte allocution dans laquelle il a rendu hommage à ses militants et au hirak, avant de promettre d'instaurer un Etat de droit s'il est élu. La tension monte d'un cran quand un groupe de jeunes arrive et scande des slogans inspirés du hirak. "Vous êtes le fils de la France, on vous connaît tous" ou encore "Pas d'élection avec les cachiristes". Le groupe de jeunes sera immédiatement dispersé dans le calme. En face, les militants du parti islamiste n'ont pas hésité à leur répondre. "Djeïch chaâb, khawa, khawa" (Armée et peuple frères), "Bengrina, président", rétorquent les soutiens du candidat d'El-Bina. N'était l'intervention d'un membre du staff de campagne, les choses auraient tourné au vinaigre entre les deux parties. M. Bengrina, qui prenait la température de loin, a préféré se limiter à un bain de foule à partir de sa… voiture. C'est alors qu'il quitte la Grande-Poste pour se diriger vers le boulevard Zighoud-Youcef, où deux jeunes filles, des étudiantes, ont déployé un portrait géant du candidat Bengrina. Visiblement préparées à riposter face à ce décor, des femmes brandissent des portraits des détenus d'opinion sur un balcon en scandant haut et fort des slogans contre cette élection. Dans la foulée, une dame, la cinquantaine, tente d'interpeller Bengrina sur le sort de son fils placé sous mandat de dépôt à El-Harrach. "Vous étiez où quand ils ont condamné mon fils, M. Bengrina ? Osez sortir vendredi prochain si vous êtes convaincu de votre candidature", lui a-t-elle lancé. Très vite, le véhicule démarre en trombe et se dirige vers le boulevard attenant au siège de la wilaya. Là aussi, M. Bengrina évite de s'arrêter et se dirige droit vers la place Tafourah. "Oui pour un Etat civil, non pour un Etat militaire" ou encore "Djazaïr hourra dimoucratia" (Algérie libre et démocratique), un autre groupe de jeunes fait pression sur le cortège du candidat qui quitte les lieux pour se placer face au port d'Alger. "Ce lieu est symbolique. C'est à partir de ce port que la bande importait en devises. C'est là que la bande surfacturait et organisait la fuite des capitaux. Si je suis élu, je mettrai fin à cette bande définitivement", dira M. Bengrina, qui décide d'écourter sa sortie dans la capitale. Selon les militants qui l'accompagnaient, le candidat devait se rendre à la Maison de la presse Tahar-Djaout. Mais cette halte a été annulée à la dernière minute. Le candidat achève son "bain de foule" et quitte les lieux sur la pointe des pieds pour rejoindre son quartier général à Dély Ibrahim, sur les hauteurs d'Alger, qui aurait été "bombardé" avec des œufs. FARID BELGACEM