Le paradoxe est saisissant : alors qu'ils minimisent l'ampleur du hirak, les candidats à l'élection présidentielle n'hésitent pas à focaliser leurs interventions sur leur souci de satisfaire… le hirak. D'Abdelmadjid Tebboune, qui se réclame du hirak des "premières semaines", en passant par Bengrina dont le parti, El-Bina, dit-il, est "le seul à avoir soutenu le mouvement" dès février, jusqu'à Benflis qui aspire à "opérer des changements conformément aux aspirations" du hirak, tous, à quelques nuances près, s'évertuent à louer les mérites de ce mouvement, mais sans pour autant lui conférer la dimension qu'il a prise, encore moins entendre la principale revendication qu'il ne cesse de réitérer chaque vendredi : "Pas d'élection avec l'îssaba". "Si une partie des Algériens ne voit pas en la présidentielle une solution, la majorité d'entre eux demeure consciente qu'il n'y a de solution pour l'Algérie qu'à travers l'élection", a lancé à Adrar le candidat du RND, Azzedine Mihoubi, lors d'un premier meeting dans le cadre de la campagne électorale. Mihoubi, dont le parti n'a programmé des meetings que dans une vingtaine de wilayas, essentiellement dans le Sud et les Hauts-Plateaux, soutient que la présidentielle constitue "un début de solution et non une partie du problème tel que le propagent certains cercles", selon ses propos, repris par une agence officielle. Après avoir accompagné l'opposition, avant de changer son fusil d'épaule, Ali Benflis, qui a réclamé en vain le changement de gouvernement et les préalables pour un climat d'apaisement, et exprimé des réserves sur les projets de loi issus du dialogue initié par le "médiateur" Karim Younès, s'est lancé dans la bataille en assurant que son programme vise à répondre aux aspirations du hirak. "Mon programme vise à opérer un changement global dans la perspective de réaliser la modernisation politique, économique et sociale du pays, conformément aux demandes et aux aspirations justes et légitimes du hirak pacifique, et à poser les fondations sur lesquelles la République de la citoyenneté et l'Etat de droit devront être construits", a-t-il dit lors de la présentation de son programme électoral. "Les grandes lignes (du programme électoral, ndlr) sont basées sur des visions politiques, économiques, sociales et sécuritaires visant l'édification d'une Algérie nouvelle, qui réponde aux revendications du hirak populaire", souligne, pour sa part, Abdelkader Bengrina, qui a entamé symboliquement sa campagne depuis la Grande-Poste, édifice emblématique de la contestation, tandis que le président du front El-Moustakbal estime, lui, que "l'Algérie a un rôle stratégique dans la région", relevant l'existence de parties extérieures et intérieures "souhaitant nager en eaux troubles" et que "les Algériens ayant donné des leçons à travers le hirak populaire pacifique sont conscients de ces défis". Quant à Tebboune, il soutient que son programme "cadre avec le vécu et les revendications du hirak". "C'est pour autant qu'il est applicable", dit-il. Or, depuis le début du mouvement, avec encore plus de vigueur ces dernières semaines, comme on l'a vu le 1er novembre dernier, le hirak, si l'on s'en tient aux slogans scandés, non seulement rejette le scrutin, mais réclame le changement radical de système et le départ de tous les symboles du régime, dont les candidats eux-mêmes.