La 39e marche que comptent organiser aujourd'hui les étudiants revêt un caractère bien particulier : elle intervient deux jours après le début de la campagne électorale pour la présidentielle du 12 décembre prochain. Une élection que les autorités veulent coûte que coûte tenir, mais à laquelle beaucoup d'Algériens s'opposent de toutes leurs forces, soupçonnant une volonté feutrée de régénérer le système politique à l'origine de la crise qui mine le pays. Comme pour le vendredi 15 novembre qui a vu des centaines de milliers d'Algériens braver le mauvais temps et investir massivement la rue dans pas moins de 46 wilayas (un record depuis le début du hirak), les étudiants vont certainement, eux-aussi et quelles que soient les conditions météorologiques, sortir en grand nombre pour réitérer des revendications qu'il n'ont pas cessé de mettre en avant depuis neuf longs mois, à savoir le départ des principales figures du système, dont le chef de l'Etat intérimaire, Abdelkader Bensalah, et son Premier ministre, Noureddine Bedoui, et l'instauration d'une période de transition qui débouchera sur des élections pluralistes et démocratiques. Outre les slogans désormais bien consacrés, comme "Etat civil et non militaire", "Pas de vote avec la bande" ou encore "Vous avez pillé le pays, voleurs", les étudiants vont certainement couvrir d'opprobre et autres amabilités les cinq candidats à la présidentielle (Abdelaziz Belaïd, Ali Benflis, Abdelkader Bengrina, Azzedine Mihoubi et Abdelmadjid Tebboune), que d'aucuns n'ont pas hésité à accabler de l'infamante accusation de traîtrise au mouvement populaire. Et mardi 12 novembre et vendredi 15 novembre déjà, le quintette des prétendants à la magistrature suprême a été pris à partie par une rue en colère et plus que jamais décidée à se faire entendre. Le candidat Ali Benflis en sait quelque chose, lui qui, le jour même de la validation de sa candidature, le 2 novembre dernier, s'est fait huer à la sortie d'un restaurant algérois par des citoyens sous les cris de "dégage". La même scène a pratiquement été vécue par l'ancien ministre du Tourisme sous Bouteflika, Abdelkader Bengrina, qui en a entendu des vertes et des pas mûres de la part de citoyens acquis au hirak à la sortie d'une rencontre qu'il a animée le 12 novembre à Tindouf, sous haute protection policière, faut-il le souligner. Et le premier jour de la campagne électorale, ces deux mêmes candidats ont, à nouveau, goûté au "tranchant" de la colère populaire : le président de Talaie El-Houriat a été conspué à Tlemcen, et le patron d'El-Bina s'est fait copieusement conspuer à Alger, à la Grande-Poste plus précisément, un des symboles du hirak. À n'en point douter, aujourd'hui encore, les étudiants useront de leur rendez-vous hebdomadaire pour réitérer leurs revendications habituelles et organiser une sorte de contre-campagne pour la non-tenue du prochain scrutin en en faisant voir de toutes les couleurs aux cinq candidats.