Des centaines de manifestants ont investi, hier en fin de journée, des rues de plusieurs villes du pays, notamment à Alger, pour réitérer leur refus de l'élection présidentielle. Pendant ce temps, les candidats au scrutin peinent à faire leur campagne. En cette journée du quatrième jour de la campagne électorale, les Algériens ont accueilli différemment les candidats à l'élection projetée le 12 décembre. Plusieurs manifestations hostiles à l'élection ont eu lieu hier en fin de journée dans plusieurs wilayas. À commencer par la capitale. Ainsi, des centaines de citoyens sont sortis, hier en début de soirée, à Alger pour réitérer leur opposition à la tenue de l'élection présidentielle prévue pour le 12 décembre prochain. La manifestation fait suite à des appels anonymes lancés sur les réseaux sociaux. Ella a démarré du quartier populaire de Bab El-Oued. Des jeunes, pancartes à la main et scandant des slogans anti-élection, se sont dirigés vers le centre de la capitale. "Hna wled Amirouche, marche arrière ma nwellouch" (Nous, enfants d'Amirouche, nous n'allons pas reculer), ou encore "Ya Ali, ya Ammar, la bataille d'Alger se poursuivra…", sont les principaux slogans scandés par ces jeunes manifestants. Selon des vidéos partagées sur les réseaux sociaux, les manifestants ont réussi à traverser la place des Martyrs et la rue Ali-Boumendjel et atteindre la place Maurice-Audin, en passant par la rue Larbi-Ben M'hidi. À chaque fois, la foule grossissait. Les cris "Djazaïr hourra dimokratia" ont déchiré le calme qui régnait sur Alger en ce début de soirée. Même le Tunnel des facultés, d'habitude fermé aux manifestants, a été investi par les dizaines de jeunes manifestants qui affichent ainsi leur détermination à s'opposer à l'élection. C'est la première fois depuis plusieurs mois que l'endroit est investi par les manifestants. Visiblement surpris par l'ampleur de la manifestation, les policiers, dépêchés sur les lieux, ont procédé à des dizaines d'interpellations, notamment aux abords de la Grande-Poste. L'intervention hasardeuse des forces de l'ordre a créé un vent de panique parmi les manifestants. Certains ont carrément pris la fuite pour se réfugier dans les rues adjacentes. D'autres ont préféré scander des slogans tels que "Chaâb yourid istiqlal". Les policiers se sont finalement retirés, et au moment où nous mettons sous presse, un rassemblement se tenait toujours place Maurice-Audin. Cela en réaction à la répression que des manifestants venaient de subir quelques minutes plus tôt. Quelques escarmouches entre les pro et anti-élection ont également été signalées. On ne connaît pas le bilan de ces interpellations ni celui des éventuels blessés. Les rumeurs les plus folles se sont emparées des manifestants et les réseaux sociaux se sont chargés de partager les vidéos des manifestations. Ces vidéos sont devenues virales en quelques secondes, tandis que les chaînes de télévision préféraient évoquer les "programmes des candidats".
Des manifestations similaires ont eu lieu en nocturne dans plusieurs wilayas. C'est le cas à Béjaïa, qui a été à l'origine de ce mouvement, à Sétif, à Annaba, à Bouira et à Oran. Elles n'étaient pas de la même ampleur que celle de la capitale. Mais les slogans étaient les mêmes et des activistes se sont passé le mot pour que les marches deviennent désormais quotidiennes. C'est d'ailleurs la première fois que ce genre de manifestation a lieu depuis le début du mouvement populaire, le 22 février dernier. C'est une adaptation à la situation actuelle marquée par la volonté du pouvoir d'organiser l'élection présidentielle le 12 décembre prochain. Les candidats à la peine Pendant ce temps, les candidats à l'élection présidentielle font semblant de poursuivre leur campagne électorale. Au lieu d'affronter les électeurs, la plupart se sont confrontés plutôt à des difficultés d'un autre genre. Ainsi, Abdelmadjid Tebboune enregistre une nouvelle défection dans ses rangs. Des membres de la direction de sa campagne dans la wilaya de Jijel ont démissionné collectivement. Selon des sources locales, la raison de ce départ collectif est liée à la désignation, dans la direction de campagne, de personnes "opportunistes" qui "n'ont même pas participé" à l'opération de collecte des signatures en faveur du candidat. Comme un malheur ne vient jamais seul, c'est dans la journée d'hier que des médias, pourtant réputés favorables au processus électoral, ont annoncé la détention d'Omar Alilat, un sulfureux homme d'affaires proche particulièrement de l'ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia. Ali Benflis, qui enchaîne les meetings puisqu'il était hier à Chlef avant de s'envoler pour Adrar, a connu, lui, la démission d'un responsable local. Le responsable de campagne du candidat à Tizi Ouzou s'est retiré visiblement sous la pression de ses proches. C'est par le biais d'un communiqué signé de sa famille et de son village que le responsable a annoncé son retrait. Mais le candidat, quant à lui, poursuit son périple. Le président de Talaie El-Houriat est celui qui semble avoir le planning le plus chargé. Il anime deux meetings par jour. Etrange est visiblement cette campagne électorale. En dehors d'Ali Benflis et d'Abdelaziz Belaïd, les trois autres candidats ont décidé, bizarrement, de "marquer une pause". Abdelkader Bengrina, Abdelmadjid Tebboune et Azzedine Mihoubi ont préféré le confort de leur bureau aux rencontres avec les citoyens. Les concernés ne donnent pas d'explication à cette discrétion. Mais le secrétaire général par intérim du RND semble avoir trouvé la parade pour faire campagne à moindres frais : rencontrer des journalistes à la place des électeurs. L'honneur est sauf et les caméras des télévisions, toutes acquises au processus électoral, se chargeront de transmettre le discours du candidat. Bengrina, lui, a choisi un salon professionnel qui se tient au Palais des expositions pour les besoins des images que diffuseront les chaînes de télévision dans les journaux du soir. Quatre jours après le début de la campagne électorale, il n'y a toujours pas d'affiches électorales. Les panneaux installés par les communes restent désespérément vides et rien n'indique, dans les quartiers populaires, que le pays s'apprête à vivre une élection présidentielle. Il n'y a tout simplement pas de permanences électorales et quasiment pas d'adeptes.