L'eurodéputé évoque les arguments avancés par certains députés comme la "complexité" de la situation ou encore des questions "procédurales", tandis que d'autres soutenaient qu'"il ne fallait pas politiser le débat". Confinée dans un silence sidérant, assimilé par certains à une caution implicite au pouvoir d'Alger, l'Union européenne, un des principaux partenaires de l'Algérie, s'apprête à sortir de son mutisme pour s'exprimer sur la situation en Algérie, théâtre d'un mouvement inédit réclamant le changement depuis février dernier. Un débat et une résolution d'urgence auront lieu la semaine prochaine au Parlement à Strasbourg, a annoncé jeudi soir, sur son compte twitter, l'eurodéputé Raphaël Glucksmann."(…) Il y aura bien un débat sur l'Algérie et une résolution d'urgence la semaine prochaine à Strasbourg", a-t-il écrit. Fils du philosophe et essayiste André Glucksmann, mort en 2015, Raphaël Glucksmann, qui a fait un stage durant les années 2000 chez nos confrères du Soir d'Algérie, relève que depuis sa présence au Parlement, aucun mot n'a été évoqué sur le mouvement inédit et pacifique qui secoue l'Algérie depuis février dernier. "Mais depuis que je suis là, le Parlement n'a pas eu un mot en session plénière sur un mouvement aussi massif, aussi exemplaire que le hirak algérien, cette révolution qui ne brise pas un carreau, et pourtant pourrait changer la face du monde méditerranéen (le nôtre, aussi, donc, faut-il le rappeler ?)", observe-t-il. "Des millions de citoyennes et de citoyens manifestent chaque mois, chaque semaine — et même plusieurs fois par semaine — pour la démocratie, la justice, la liberté, la dignité, jusque-là, de l'autre côté de la mer. Et nous, si bavards sur tout ce qui se passe ou ne se passe pas à l'autre bout du monde, nous n'avions apparemment rien à dire sur l'extraordinaire mobilisation pacifique d'un peuple si proche. Géographiquement, historiquement, culturellement. Comme si cette proximité nous rendait soudainement aphones", déplore-t-il. Il rappelle avoir proposé, il y a un mois, avec des "amis très impliqués dans le mouvement", une résolution, "pensant naïvement que ce silence n'était qu'un oubli", mais qu'il s'est heurté à des résistances, accusant des "lobbies", dont des compagnies énergétiques qui ont de grands intérêts avec l'Algérie. Outre ces lobbies, l'eurodéputé évoque les arguments avancés par certains députés, comme la "complexité" de la situation ou encore des questions "procédurales", tandis que d'autres soutenaient qu'"il ne fallait pas politiser le débat". "On m'a directement fait comprendre que ce serait ‘compliqué', ‘complexe' (…)", dit-il. Il faut dire que l'Europe et d'autres pays — hormis ceux qui sont franchement hostiles à la "révolution", notamment parmi les pays arabes —, s'ils peinent à se positionner ouvertement, c'est essentiellement en raison de la frilosité du peuple algérien à toute "ingérence" étrangère, mais également du risque que tout commentaire sur la situation ne soit instrumentalisé par le pouvoir, comme on a pu le voir fin septembre avec la sortie de la présidente de la sous-commission des droits de l'Homme, Marie Arena, dont le soutien au hirak a suscité une levée de boucliers chez les clientèles du pouvoir. Et sans compter sur les liens d'intérêts immenses (énergie, lutte contre le terrorisme, lutte contre l'immigration clandestine…) qu'entretient l'UE, particulièrement la France, l'Italie et l'Espagne, avec Alger. Raphaël Glucksmann promet de rendre publiques les interventions des uns et des autres si d'aventure on venait à s'opposer à cette résolution. "Face à l'argument procédural, il reste la bonne vieille méthode du ‘très bien, je rendrai tout public et chacun assumera sa position au grand jour'. Je me battrai pour qu'elle soit le plus possible à la hauteur de votre incroyable révolution. Et qu'elle gagne surtout", conclut-il.