Une semaine après le début d'une campagne électorale poussive, le pouvoir donne un autre tour de vis et réduit davantage la liberté d'expression des médias publics, notamment ceux audiovisuels, sommés, comme c'est le cas de la Radio nationale, de ne souffler mot sur les manifestations du mouvement du 22 février. En même temps que cette chape de plomb qui s'est abattue sur ces médias publics, une opération de stabilisation du candidat Tebboune est lancée. Elle est menée par des chaînes de télévision proches des centres de décision. En effet, depuis la fin de la semaine dernière, les médias officiels qui couvraient encore le hirak sont sommés de cesser d'en parler. Les trois chaînes de la Radio nationale, notamment la Chaîne III, qui couvrait jusque-là de manière systématique les manifestations populaires, a décidé d'ignorer la mobilisation du vendredi. Comme tous les médias gouvernementaux, cette chaîne de radio a parlé de l'élection présidentielle, des candidats, de la visite du chef de l'armée à Ouargla. Mais a passé sous silence les grandioses marches populaires qui ont eu lieu dans la majorité des wilayas du pays. Ce qui confirme, en effet, que le pouvoir ne veut toujours rien concéder, maintenant malgré tout l'organisation de l'élection présidentielle le 12 décembre prochain. En même temps qu'il bride les dernières voix professionnelles des médias officiels, le pouvoir — ou un de ses démembrements — laisse faire certains médias privés qui lui sont acquis en s'attaquant à Abdelmadjid Tebboune, un candidat présenté à un certain moment comme l'homme adoubé par le pouvoir en place. Des images de l'ancien Premier ministre échangeant avec des hommes d'affaires turcs qui lui offrent des cadeaux dans un avion, des allusions à des liens supposés entre Abdelmadjid Tebboune et l'homme d'affaires incarcéré récemment Omar Alilat, sont le lot de ces attaques qui ont vite été perçues, par les milieux médiatiques et politiques (y compris dans le staff de Tebboune), comme des instructions données par des cercles du pouvoir. En réponse, l'équipe du candidat, qui n'arrive toujours pas à faire le deuil de la démission surmédiatisée de son ancien directeur de campagne, Abdellah Baali, a rendu public un communiqué dénonçant certaines chaînes, notamment Ennahar TV. Les effectifs de cette chaîne, dépêchés pour couvrir la campagne d'Abdelmadjid Tebboune, ont été chassés et empêchés de travailler. Coup de théâtre. Hier, ces chaînes de télévision ont vite changé leur fusil d'épaule. Elles ont diffusé en direct le meeting d'Abdelmadjid Tebboune depuis Khenchela où il était en campagne. Que s'est-il passé ? Dans ces échanges d'amabilités entre ces médias et le candidat Abdelmadjid Tebboune, chacun accuse l'autre d'appartenir ou d'agir au nom de la "bande". Ce qui pourrait laisser supposer l'existence de luttes de clans au sein du pouvoir. Et si cela était vrai, on ne serait pas loin d'une réalité du système politique algérien. Autrement dit, rien n'a changé dans la nature et le fonctionnement du système.