Les affrontements de vendredi soir, après la mort d'un jeune Tunisien en s'immolant par le feu à Sidi Bouzid, berceau de la "Révolution du Jasmin", sont symptomatiques d'une Tunisie qui n'arrive toujours pas à retrouver la voie de la stabilité. Des doutes commencent à se faire de plus en plus entendre sur les capacités du Premier ministre désigné, Habib Jemli, à former son gouvernement en Tunisie, presque deux mois après les législatives qui ont consacré la victoire d'Ennahdha dans un Parlement aux voix éparpillées. Selon Baouli Mbarki, secrétaire général adjoint de la puissante centrale syndicale l'Union générale tunisienne du Travail tunisiens (UGTT), "le chef du gouvernement désigné de former un nouveau gouvernement a du mal à y parvenir en raison de la disparité politique et parlementaire obtenue par le résultat des élections", lit-on sur le site de la radio privée Mosaïques FM. L'UGTT, qui souhaite un exécutif capable de sortir le pays de la crise, selon son SG Nourredine Taboubi, a appelé M. Jemli à former un gouvernement de compétences "en évitant les intérêts partisans", a affirmé encore M. Mbarki. Même son de cloche chez son ancien SG, Houcine Abbassi, qui a affirmé "espérer une concession des partis politiques pour accélérer la formation du nouveau gouvernement", a rapporté l'agence officielle TAP. Habib Jemli est-il vraiment l'homme qu'il faut dans le contexte de crise que traverse la Tunisie ces 5 dernières années ? L'ancien secrétaire général démissionnaire d'Ennahdha, Zied Laâdhari, estime aussi que le choix de M. Jemli n'était pas "judicieux", minant le parti islamiste de l'Intérieur, car le personnage est contesté par certains cadres et militants. Pour M. Laâdhari, les consultations qui n'ont que trop duré, sont "folkloriques", lors de son passage sur la chaîne de télévision Attessia, samedi soir, ajoutant que M. Jemli n'a pas suffisamment d'expérience pour gérer la situation actuelle en Tunisie. "Après avoir rencontré Habib Jemli, je ne peux que prier pour que Dieu vienne en aide au pays… J'ai acquis la conviction que le pays se dirige droit vers l'inconnu", a déclaré pour sa part Lotfi Meraïhi, leader de l'Union populaire républicaine. Pour rappel, le président Kaïes Saïed s'était opposé au choix d'Ennhdha de désigner Habib Jemli, ancien ministre dans le gouvernement de la Troïka et considéré comme un proche du parti islamiste. Mais la Constitution tunisienne donne le droit au parti gagnant aux législatives de désigner le Premier ministre qui doit toutefois obtenir l'assentiment de 109 députés sur les 217 que compte l'Assemblée nationale tunisienne pour espérer gouverner avec les ministres qu'il aura choisi. Autrement, le président de la République se chargera de désigner un autre Premier ministre pour former son gouvernement, et en cas d'échec de celui-ci, Kaïes Saïed n'aura d'autre choix que de convoquer de nouvelles législatives, un scénario fort probable.