Le hirak estudiantin a passé, hier, la vitesse supérieure. Des dizaines de milliers d'étudiants se sont réapproprié le centre d'Alger à l'occasion du 42e mardi de contestation. En grève depuis le 8 décembre, les étudiants ont affiché une détermination inébranlable à rester mobilisés autour des revendications du peuple, se rapportant à l'annulation de l'élection et au départ des résidus du système de Bouteflika. Les manifestants, en grand nombre et accompagnés de leurs tuteurs, se sont donné rendez-vous à 10h à la place des Martyrs. Dès leur arrivée, les premiers cortèges ont scandé des slogans portant rejet du scrutin de demain : "Allah Akbar, makanch l'vote", "Cette année, il n'y aura pas de vote". D'autres étudiants drapés dans l'emblème national paradent avec des cartons rouges portant la mention déclinée en arabe et en français : "Non au vote", ou encore avec des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : "18 avril annulé, 4 juillet annulé, le 12 décembre sera annulé. Jamais deux sans trois." Au passage des manifestants criant "Fermez vos boutiques", les commerçants de Bab-Azzoun baissent les rideaux. Les brigades antiémeutes se sont déployées en grand nombre depuis la placette Mohamed-Touri jusqu'au jardin Mohamed-Khemisti. Les étudiants ont pu contourner le dispositif sécuritaire. Au lieu de bifurquer à droite vers la place Audin, les manifestants ont préféré poursuivre leur marche vers Didouche-Mourad, avant de cheminer jusqu'à la rue Victor-Hugo pour gagner la rue Hassiba-Ben Bouali. Les étudiants, soutenus par de nombreux citoyens, ont voulu, en fait, rallier la place du 11-Décembre, à Belouizdad (ex-Belcourt), pour organiser un sit-in. "Nous avons tenté de rallier Belcourt, mais nous n'avons pas pu ; ce n'est que partie remise", témoignera un étudiant. Les forces de sécurité ont dû se redéployer à la hâte du côté de la place du 1er-Mai. De nombreux fourgons et des camions à eau stationnés à hauteur de l'entrée du CHU Mustapha, empêchaient les étudiants de poursuivre leur manif. Les effectifs de la police mobilisés n'ont pas recouru, hier, à la matraque. À défaut de franchir le cordon de sécurité de la police, les marcheurs ont observé un sit-in tout au long de la rue Hassiba-Ben Bouali, où les magasins sont restés fermés. Ils ont décrié les cinq candidats à l'élection : "L'îssaba nous a proposé cinq loups, nous avons déjà dit qu'il n'y aura jamais de vote, quitte à sacrifier notre vie. " De retour vers la Grande-Poste, les hirakistes du mardi ont tenu à rendre un vibrant hommage aux émigrés qui ont boycotté le scrutin : "Bravo les émigrés, l'Algérie est fière de vous." Un autre sit-in a été organisé à la rue adjacente à l'entrée de la Fac centrale, pour envoyer d'autres signaux forts aux nouveaux tenants du pouvoir : "Nous restons mobilisés et poursuivrons le hirak jusqu'à l'annulation du scrutin."