Les Algérois ont appelé à une grève générale à partir de demain dimanche. Ils portaient des ballons aux couleurs de l'emblème national, signe de pacifisme. L'acte 42 de la révolution citoyenne, le dernier avant la date du scrutin présidentiel, a confirmé les attentes des partisans du changement radical du régime. Une foule immense, comparable à celle des vendredis du 1er Novembre, du 5 Juillet et des premières semaines de l'insurrection populaire, a occupé l'épicentre du hirak dans la capitale pendant plusieurs heures. La forte mobilisation était pressentie dès la matinée, lorsque quelques centaines d'irréductibles ont investi la rue. Ils ont fait des va-et-vient le long de la rue Didouche-Mourad, à hauteur du siège régional du RCD jusqu'à la place Audin, encadrés par un dispositif de sécurité important. Les policiers se sont, néanmoins, astreints à libérer un passage pour la circulation automobile, sans s'en prendre aux premiers noyaux de manifestants. Ces derniers reprenaient de vieux chants et slogans du mouvement citoyen, dont "Vous partirez tous" ; "Etat civil et non militaire"… Ils les ont couplés à des revendications circonstancielles : "Faire avorter le scrutin est un devoir national". À 13h30, face à la mosquée Errahma, des citoyens, drapés dans l'emblème national et portant des pancartes ou des cartons rouges exprimant leur rejet de l'élection présidentielle — "Non au vote" —, attendaient patiemment la fin de la prière du vendredi. L'attente n'a pas duré. À peine dix minutes. Les fidèles les rejoignent en criant : "Grève générale, chute du régime." L'appel résonnera, jusque tard dans l'après-midi à la rue Didouche, à la place Audin, à la Grande-Poste, aux rues Hassiba-Ben Bouali, Hocine-Asselah et au boulevard Colonel Amirouche et parviendra en écho de Bab El-Oued, d'où démarre un imposant contingent de manifestants. Un autre slogan anti-élection est scandé massivement : "Je ne voterai pas dans ces conditions. Ramenez la BRI et les brigades antiémeutes." Comme chaque vendredi depuis bientôt deux mois, l'apparition de la procession des manifestants venant de Bab El-Oued et de La Casbah crée la sensation. Ils sont nombreux, très nombreux. Ils vont à la rencontre de leurs compatriotes qui arrivent de Belouizdad (ex-Belcourt) et de la place du 1er-Mai, puis rapidement renforcés par les gens d'El-Harrach. C'est à ce moment-là (vers 15h) que les marcheurs brandissent, partout dans l'axe de la manifestation, des ballons vert, blanc, rouge, aux couleurs du drapeau national. "Depuis quelques jours, les chaînes de télévision et certains journaux relaient des informations faisant état de risques de troubles à l'ordre public la semaine prochaine. Avec ces ballons, nous lançons un message : notre hirak restera pacifique", nous explique un jeune manifestant qui nous renseigne sur la symbolique du port de ces ballons par les hirakistes. La marche du vendredi s'est poursuivie au-delà de 18h, sans incidents majeurs. Des conciliabules ont été improvisés en certains endroits d'Alger-Centre. Les citoyens ont débattu des modalités pratiques de la grève de quatre jours annoncée à partir de demain 8 décembre.