Le contraste est saisissant : alors que de nombreux pays, particulièrement la Russie et la Chine, ne se sont pas encombrés de formules diplomatiques pour féliciter le nouveau président, Abdelmadjid Tebboune, la réaction des capitales occidentales, notamment Bruxelles, Paris et Washington et, à un degré moindre, Rome, est pour le moins nuancée. "J'ai pris note de l'annonce officielle que M. Tebboune a remporté l'élection présidentielle algérienne dès le premier tour", a réagi vendredi le président français, Emmanuel Macron. Une position exprimée dans les mêmes éléments de langage par le remplaçant de Federica Mogherini. "J'ai pris acte des résultats provisoires de l'élection présidentielle en Algérie, ce pays ami et voisin de l'UE. J'espère que cette élection ouvrira une nouvelle page, permettant de répondre à la profonde volonté de changement que les Algériens expriment depuis février dernier", a twitté Josep Borell Fontelles, haut représentant de l'UE aux Affaires étrangères. Mais point de félicitations au nouveau locataire d'El-Mouradia. Plus nuancés encore, Washington et Rome, tout en félicitant Abdelmadjid Tebboune, évoquent les attentes du peuple algérien dont ils semblent appuyer les aspirations. Des positions qui tranchent singulièrement avec celles de la Russie ou encore de la Chine qui n'évoquent nullement le hirak, se focalisant essentiellement sur leur souhait de "renforcer la coopération" et "d'élargir la relation". Faut-il dès lors y voir les prémices d'un changement de paradigme de la politique étrangère de l'Algérie ? Ces positions contrastées expriment-elles un changement de cap ? D'autant, faut-il sans doute le rappeler, que dès le début de la crise l'ancien ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra s'était empressé de se rendre à Moscou et à Pékin pour expliquer la "feuille de route" de sortie de crise d'Alger. Plus récemment encore, c'est Abdelkader Bensalah, relayé par une télévision russe, qui est allé rendre compte du "plan" au maître du Kremlin, Vladimir Poutine, tandis que l'ambassadeur chinois s'est laissé aller à quelques libertés, en dénonçant "l'ingérence étrangère", lors d'une sortie à Alger. Parallèlement, on a assisté à une levée de boucliers de la part des candidats et de nombreuses organisations après la résolution du Parlement européen condamnant les "arrestations et les emprisonnements de nombreux activistes". "Il est trop tôt pour se prononcer. Même si la Chine est le premier fournisseur de l'Algérie, il faut être prudent et ne pas céder à des lectures simplistes", explique le politologue Chérif Driss. Rappelant que la politique étrangère obéit à "l'ordre concentrique", en ce sens que les intérêts géostratégiques sont liés à l'espace de proximité (Maghreb, Sahel, Méditerranée…), Chérif Driss voit mal le changement de cap dans l'immédiat. "Cela suppose de grands chamboulements autant géostratégiques qu'internes (changement de régime, émergence d'une nouvelle élite…)", précise-t-il. "Je vois mal l'Algérie changer l'ordre concentrique et se rapprocher de puissances lointaines. Mais elle peut le faire dans une politique de marchandage", soutient-il. Est-ce, peut-être, là que se situent le secret de la précipitation dans l'élaboration de la loi contestée sur les hydrocarbures et les rapprochements médiatisés avec Pékin et Moscou ?