Alors que le nombre de malades augmente, il n'y a pour le moment que 5 structures spécialisées pour prendre en charge tous les patients du pays. Maladie chronique, lourde et douloureuse, le cancer est une pathologie dont le traitement nécessite des équipes expérimentées et pluridisciplinaires. Les innovations étant légion, les équipements sont à renouveler sans cesse et il s'agit de moyens pointus, donc onéreux. Devenu un véritable problème de santé publique, le cancer monopolise à lui seul une bonne partie du budget alloué chaque année au secteur. Eu égard à l'importance et à la problématique de la prise en charge du cancer, le ministre da la Santé, M. Amar Tou, a présidé hier une journée d'étude sur les cancers en Algérie. Les professeurs chefs de service dans les 5 centres anticancéreux algériens ont dressé un tableau peu reluisant quant à la réalité sur le terrain. “Selon les chiffres donnés par le registre du cancer tenu dans 4 wilayas, il ressort une incidence de 100 cas de cancer pour 100 000 habitants”, révèle le Pr Bouzid, chef de service oncologie médicale au Centre Pierre-et-Marie-Curie (CPMC), d'Alger. Il ajoute que pour la femme les cancers sont surtout localisés au sein, au col de l'utérus, au colon, au rectum et à la vésicule biliaire. L'homme développe surtout les cancers du poumon, de la vessie, du colon, du rectum et de la prostate. Le Pr Bouzid estime à 30 000 le nombre de nouveaux cas recensés chaque année. Il affirme par ailleurs que ce chiffre est appelé à doubler dans les prochaines années. Il explique la multiplication des cas par le vieillissement de la population, la nutrition (usage de pesticides, additifs alimentaires…), et des facteurs liés à l'environnement. Il avance aussi des chiffres effarants en matière de prise en charge des malades. “L'Etat a déboursé 3 milliards de dinars pour 100 cas transférés à l'étranger. Pendant ce même laps de temps, 650 millions de dinars ont été alloués au CPMC pour le traitement de 3 000 malades”, soutient-il. Pour lutter contre le cancer, il préconise la mise en place d'une véritable politique qui s'articulera autour de l'information du grand public, des soignants, des gestionnaires et surtout de la lutte contre le tabagisme. Il regrette par ailleurs que la mammographie soit en Algérie un moyen de diagnostic au lieu d'être exploitée pour le dépistage précoce. Justement pour encourager le dépistage précoce, il invite les autorités compétentes à rendre les actes remboursables au réel et non sur la base d'une nomenclature de 1987. Le Dr Hamouda de l'Institut national de santé publique (INSP) estime à 20 millions de malades dans le monde, dont 10 millions dans les pays en voie de développement, qui ne disposent que de 5% des ressources nécessaires à la lutte contre le cancer. Il évalue à 6 millions les décès dus au cancer dans le monde dont 50% dans les pays en voie de développement. En Algérie, la maladie survient dans 53% des cas chez la femme et dans 47% chez l'homme. Pour sa part, le Pr Graba, chef de service de chirurgie oncologique au CPMC, affirme que la chirurgie demeure le moyen le plus sûr et le moins onéreux pour la prise en charge du cancer. Pour la réussite d'une telle démarche, il propose de développer la spécialité d'anatomie pathologie pour que les praticiens puissent réaliser des extemporanées (examens cytologiques au cours de l'intervention chirurgicale), pour diriger le chirurgien sur l'extension de la maladie afin de faire l'exérèse la plus idoine. “Nous avons réalisé 2 015 interventions chirurgicales au CPMC au cours de l'année 2004”, déclare-t-il. Il rappelle que la chirurgie est une technique majeure mais qui ne vient qu'en appoint à la chimiothérapie et à la radiothérapie. Quant au Pr Afiane, chef de service de radiothérapie, il rappelle que la radiothérapie est une réalité au CPMC même si les équipements sont obsolètes. Il affirme que “tout arrêt de plus de huit jours peut provoquer un échec de l'effort thérapeutique. Si nous disposons de praticiens spécialistes en nombre suffisant, il n'en demeure pas moins que nous n'avons qu'un seul physicien médical à titre vacataire”. Les spécialistes exerçant à Oran et à Constantine estiment pour leur part que leurs structures sont dépassées par le nombre de malades sans cesse croissant. À titre indicatif, il ressort que le nombre de malades traités en 2001, 2002 et 2003 dans les 5 centres anticancéreux (Alger, Blida, Constantine et dans les deux centres d'Oran), s'élève à 127 312 cas dont la prise en charge a nécessité une enveloppe de 2,564 milliards de dinars. Durant la même période, les transferts à l'étranger ont coûté 12,275 milliards de dinars. Le ministre de la Santé promet la réalisation d'autres centres anticancéreux à Annaba, à Tizi Ouzou, à Ouargla et à Batna. “Nous allons lancer notre politique de lutte contre le cancer après avoir fait un état des lieux”, déclare Amar Tou. Il affirme en outre l'acquisition des équipements nécessaires aussi lourds soient-ils et la mise à disposition des équipes soignantes de tous les médicaments innovant en la matière. SaId Ibrahim