La vidéo a fait le tour de la Toile avant de disparaître curieusement : un homme filmé en train de demander au nouveau chef d'état-major de l'armée, au cours des funérailles, mercredi, d'Ahmed Gaïd Salah, de "couper la tête à celui qui sortira vendredi". "Le peuple vous a donné le feu vert", disait-il. Retirée très vite de la page qui l'a publiée, ses animateurs ayant sans doute mesuré les conséquences et pris la mesure des réactions outragées des internautes, son contenu a toutefois été enregistré, comme souvent en pareilles circonstances sur la planète bleue, et relayé. Pis encore, elle a même été diffusée par une chaîne de télévision privée. Ce dérapage, un de plus, qui a choqué de nombreux internautes, n'a pas, pour l'heure, suscité de réaction chez les autorités judiciaires ou les services de sécurité si prompts d'ordinaire à traquer des activistes pour des "posts" jugés attentatoires à la sécurité ou à l'ordre public. Quant à l'Autorité de régulation de l'audiovisuel, visiblement impuissante, elle est toujours aux abonnés absents. Il faut dire que ce laxisme n'est pas nouveau. On se rappelle comment l'écrivain Rachid Boudjedra avait été malmené par une télévision suscitant un tollé auprès de l'opinion. Certaines chaînes, en mal d'inspiration, meublaient leurs programmes durant le mois de Ramadhan par des émissions où le discours de la haine le disputait à la violence. Très controversée, la députée Naïma Salhi s'est forgé une "réputation" depuis quelques mois grâce à l'invective et à des discours racistes et de division sans être inquiétée à ce jour. Alors qu'elle a été estée en justice en juin dernier par des avocats de Boumerdès pour "incitation à la haine raciale et appels au meurtre", après ses propos virulents contre la population de Kabylie, la plainte contre elle n'a toujours pas abouti. Dans un communiqué rendu public en septembre dernier, les trois avocats, Mes Salim Chaït, Abdelkader Houali et Soufiane Dekkal, se sont demandé si "elle n'était pas protégée ?". Partis s'enquérir du sort de cette plainte auprès du tribunal de Boumerdès, ils se sont entendu dire qu'elle a été transférée au tribunal de Chéraga. Mais finalement, ils ont appris, médusés, qu'elle ne s'y trouvait pas. Ce jeudi, la députée s'est de nouveau distinguée par une vidéo proférant des propos orduriers, racistes, antisémites, faisant même dans le révisionnisme et jetant la suspicion sur le parcours patriotique de Lakhdar Bouregâa. Plus récemment encore, en novembre dernier, un homme s'est affiché dans une vidéo, armé d'un fusil d'assaut, en train de proférer des menaces contre ceux qui s'opposaient à la tenue de la présidentielle du 12 décembre. Devenue virale, cette vidéo a fini par susciter la réaction des services de sécurité qui ont fini par mettre le grappin sur l'individu en question avant de le présenter à la justice qui a décidé de le mettre sous les verrous. Loin d'être exhaustifs, ces faits témoignent de la banalisation du discours de haine et la violation des règles élémentaires d'éthique par certaines chaînes de télévision. Mais si l'absence de mécanismes de régulation et de professionnalisme, dans certaines situations, peuvent expliquer ces dérapages, il reste que cette banalisation pourrait obéir à d'autres considérations. Et une volonté de provoquer des schismes et des clivages dans le mouvement est difficilement contenue.