Pris en étau entre les pressions des partis politiques, d'une part, et la rue qui exige un cabinet exclusivement de technocrates, la mission du Premier ministre Hassan Diab est des plus délicates. La crise politique au Liban n'est pas près de connaître son épilogue, avec le report, une nouvelle fois, de l'annonce de la formation du gouvernement, à janvier. Et pour cause, le fraîchement désigné Premier ministre, Hassan Diab, dont la mission est de former un cabinet consensuel et de compétence fait face à une fronde de toutes parts. Rejeté par la rue qui réclame un personnel dirigeant renouvelé et loin des chapelles politiques traditionnelles, boudé par une partie influente des milieux politiques de la communauté sunnite, le Premier ministre peine à convaincre alors que certains observateurs n'hésitent pas à mettre un sérieux doute quant à sa capacité de se maintenir lui-même à son poste, moins de dix jours après sa désignation. Depuis samedi soir, plusieurs dizaines de manifestants campent devant le domicile de Hassan Diab, à Beyrouth, appelant à son départ, dans un pays sans cabinet depuis deux mois, et sur fond d'une profonde crise économique. "Diab dégage", ont scandé hier encore les manifestants qui voient dans la nomination de celui-ci une reconduction de l'un des dirigeants ayant officié en tant que ministre sous un gouvernement "corrompu" et rejeté par la rue. M. Diab a promis de former une équipe gouvernementale restreinte de compétence mais encore faut-il parvenir à convaincre ces différents courants politiques plus que jamais divisés sur cette question et dont certains, tel que le puissant mouvement Hezboallah, ne sont pas près de se voir écarter de la représentation gouvernementale. Il en est de même pour la plus grande formation politique du pays, le parti sunnite. Le Courant du Futur, de l'ancien premier ministre Saad Hariri, semble déterminé à bloquer toutes les initiatives Hassan Diab qui qualifie de non représentatif. D'ailleurs, une grande majorité des protestataires occupant la rue ces derniers jours est sunnite. M. Hariri a fait savoir en outre, jeudi dernier, que son bloc parlementaire n'accorderait pas la confiance au nouveau gouvernement, mettant un peu plus l'actuel Premier ministre dans la difficulté. Dernier à s'exprimer sur cette situation de profond blocage, hier, l'influent patriarche maronite, Mgr Bechara Raï, a plaidé pour la formation d'un gouvernement "d'experts indépendants et intègres", comme le souhaite le mouvement inédit de contestation. "Les sacrifices des jeunes contestataires exigent la formation d'un cabinet indépendant composé d'experts intègres", a déclaré Mgr Raï dans son homélie dominicale à Bkerké. Pris en étau entre les pressions des partis politiques, d'une part, et la rue qui exige la formation d'un gouvernement exclusivement de technocrates, d'autre part, il est clair que la mission du Premier ministre est des plus délicates, ce qui enfonce un peu plus le Liban dans une crise aux conséquences dangereuses.