L'économie libanaise est classée par la Banque mondiale parmi les sept économies les plus vulnérables de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena). La descente aux enfers risques d'être encore plus rapide dans les semaines et mois à venir si Beyrouth ne se décide pas à reprendre son destin en main. A première vue, les mauvaises performances de l'économie libanaise pourraient être imputées aux effets de la crise mondiale, mais examinés de près, ces mauvais résultats ont pour origine le blocage politique que vit le pays du Cèdre depuis trois ans et qui s'est aggravé à la faveur de la crise qui secoue son voisin syrien depuis mars 2011. La guerre en Syrie a terriblement affecté le Liban pour plusieurs raisons, à commencer par l'implication du parti chiite libanais le Hezbollah, aux côtés du régime de Damas dans sa guerre contre l'opposition armée qui cherche à renverser le président syrien Bachar Al-Assad. L'implication du Hezbollah militairement en Syrie a causé une instabilité aussi bien politique que sécuritaire au Liban. Elle a, non seulement empêché les Libanais de trouver un consensus politique pour former un nouveau gouvernement d'union nationale pour tenir de nouvelles élections présidentielles, mais les violences armées en Syrie ont débordé sur le Liban. La série d'attentats et d'assassinats de leaders politiques sunnites et chiites libanais, dont certains sont considérés comme pro-syriens, a laissé le spectre d'une guerre civile refaire surface à Beyrouth. Difficultés de former un gouvernement à Beyrouth Le président libanais, Michel Sleiman, a usé de toutes ses forces pour convaincre les différentes forces politiques de son pays à se mettre à la table des discussions, mais en vain. Chaque bloc politique continue à camper sur ses positions. L'affaire de l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, en attente de jugement au niveau du Tribunal spécial pour le Liban, continue en fait de diviser les Libanais. Le Hezbollah qui constitue une force politique et armée au Liban est accusé d'être derrière l'élimination de Rafic Hariri, dans un attentat à la voiture piégé à Beyrouth le 14 février 2005. Avec ses alliés pro-syriens, le Hezbollah a fait échouer toute les tentatives de formation d'un gouvernement technocrate, perçu comme l'ultime option pour sortir de l'impasse politique. La désignation de Salam Tammam, par la majorité des partis politiques, afin de former un gouvernement d'union nationale n'a pas apporté les résultats escomptés, poussant Michel Sleiman à menacer les forces politiques de former un gouvernement de facto, ce qui a soulevé des craintes au sein du peuple libanais, qui vit toujours sous la crainte de revivre une nouvelle guerre civile et confessionnelle. Face à ces blocages politiques, l'église maronite, la plus influente du Liban, a proposé un plan de sortie de cirse sous forme d'une charte nationale ayant pour base «les constantes, les appréhensions et les priorités nationales», lit-on sur les sites de la presse locale. «Le but de la charte nationale est d'aider à sortir de la crise politique et l'élection d'un nouveau président», a déclaré le patriarche Béchara Raï lors d'une conférence de presse, à l'issue de la réunion mensuelle des évêques à Bkerké, siège du patriarcat maronite, a repris la presse libanaise. «Alors que le Liban traverse des crises graves et qu'il subit les répercussions des développements régionaux, le patriarcat appelle toutes les parties à œuvrer pour la consolidation et l'édification d'un Etat fort et capable», a ajouté Mgr Raï, selon L'Orient, Le Jour. Mais cet appel reste lettre morte pour le moment, même s'il bénéficie du soutien de Michel Aoun, un des leaders politiques influents et proche allié du Hezbollah. Un soutien qui n'est pas anodin, selon les observateurs de la scène politique libanaise. Crise libanaise et enjeux régionaux Comme indiqué précédemment, Michel Sleiman a menacé de mettre en place un gouvernement de facto, mais il s'est ravisé à la dernière minute, préférant temporiser un peu, même s'il est presque certain que les différents partis demeureraient fidèles à leurs positions. Cette posture indécise du président libanais n'est pas étrangère à ce qui se passe sur le plan régional. Autrement dit, la guerre en Syrie et les enjeux géostratégiques dans la région qui opposent les puissances occidentales à la Russie ainsi qu'à l'Iran (deux alliés du régime de Damas) ont des répercussions directes sur la politique interne de Beyrouth. En effet, le Liban a accueilli depuis mars 2011 plus d'un million et demi de réfugiés syriens sur son sol. Ce qui explique en partie les mauvaises performances sur le plan économique. L'effondrement de l'économie libanaise est directement lié à l'augmentation du flux de réfugiés syrien, selon tous les rapports de la Banque mondiale et des autres organismes financiers internationaux. Sur le plan régional, «la crise institutionnelle actuelle n'est que la suite logique du retrait des forces syriennes, de la montée en puissance du Hezbollah et de la tentative ratée d'Israël de l'éradiquer. Les événements de 2005 et 2006 ont contribué à replonger le Liban dans une crise quasi identique à celle qui suivit la longue guerre civile», lit-on dans une analyse publiée Libanoscopie. «Le Liban risque donc de replonger dans la guerre civile et de devenir un champ de bataille où s'affronteraient, par Libanais interposés, Damas et Téhéran d'une part et, d'autre part, les grandes puissances occidentales qui pourraient ainsi régler de manière indirecte leurs comptes avec les puissances de l'Axe du mal que représentent l'Iran et la Syrie», expliquent les rédacteurs de cette analyse, le Lieutenant-colonel et Patrick Esteve chercheur associé à l'Esisc, un centre de recherches en relations internationales basé en France. Le jeu d'influence de l'Arabie saoudite qui essaye de contrecarrer l'Iran à Beyrouth n'est pas pour remettre de l'ordre dans les affaires internes libanaises. En résumé, le Liban est victime à la fois de son système politique aux bases confessionnelles et qui semble s'être essoufflé, et aussi victime de sa position stratégique dans un Proche-Orient qui ne semble pas prêt à se stabiliser de sitôt. L. M.