L'histoire retiendra donc que le 22 février 2019, les rues des villes et des villages du pays ont été investies par des millions de citoyens pour faire tomber un projet politique, celui de permettre à Abdelaziz Bouteflika de briguer un cinquième mandat. Le mouvement du 22 février a surpris par son avènement et a subjugué par son caractère pacifique, ses revendications pércutantes et son endurance. Si on devait choisir une figure pour marquer l'année 2019, les millions d'Algériens qui sortent chaque semaine aux quatre coins du pays depuis février dernier seraient sur la plus haute marche du podium. L'Algérie a été et sera marquée à jamais par cet élan populaire qui lui a permis d'occuper une place de choix dans l'Histoire. L'histoire retiendra donc qu'un vendredi 22 février 2019, les rues des villes et des villages du pays ont été investies par des millions de citoyens pour faire tomber un projet politique ressenti comme une atteinte à leur honneur, un pied de nez à leur dignité : celui de permettre à Abdelaziz Bouteflika, un homme vieux et malade, de briguer un cinquième mandat à la tête de l'Etat. Cette mobilisation, massive et spontanée, a surpris tout le monde. À commencer par les dirigeants du pays qui ont d'abord nié cette réalité avant de tenter de résister. Mais l'ouragan populaire était si fort qu'il a réussi à emporter le projet du cinquième mandat avant de pousser Abdelaziz Bouteflika à démissionner. Devant l'obstination du système politique de rester en place, malgré la mobilisation populaire, les Algériens ont hissé la barre des revendications très haut. De la demande de faire échouer le projet du cinquième mandat, la revendication est passée à celle du départ de tout le système politique. Cela dure depuis 10 mois et le mouvement ne montre pas de signes d'essoufflement. Si le hirak a réussi à écarter Abdelaziz Bouteflika et à pousser au procès du régime qu'il a institué et des hommes qui l'ont servi, il n'a toujours pas réussi à réaliser le changement du système politique. Soutenu par l'armée, le régime, qui a géré le pays depuis l'indépendance, reste toujours en place. Après avoir été contraint de reporter l'élection présidentielle à deux reprises, en avril puis en juillet, il a réussi à tenir un scrutin présidentiel le 12 décembre dernier avec, cependant, une désaffection électorale inédite. Le taux d'abstention a dépassé les 60%. Abdelmadjid Tebboune, un ancien ministre et Premier ministre d'Abdelaziz Bouteflika, est installé à la présidence de la République. Face à la poursuite de la mobilisation populaire, les autorités ont utilisé la politique de la carotte et du bâton. Ainsi, si les manifestations se tiennent chaque mardi (pour les étudiants notamment) et les vendredis, des dizaines d'arrestations ont été opérées parmi les manifestants et des figures politiques. Les accès à la capitale et aux grandes villes ont été verrouillés afin de réduire le flux des manifestants. Cela n'a pas eu beaucoup d'effets. Les manifestations se sont poursuivies malgré les aléas climatiques (c'était le cas de l'été) et des contraintes du calendrier — le mois de Ramadhan et la rentrée sociale. Le nouveau pouvoir, qui traîne comme un boulet la désaffection électorale, a fait une offre de dialogue au hirak. Il n'a pas eu d'écho probant. La sincérité de sa démarche est sujette à caution. Pour le moment, il n'a émis aucun signal qui pourrait faire accroire à sa volonté de résoudre la crise. Il n'a rien entrepris de concret qui rendrait le dialogue possible. Aucun geste d'apaisement de sa part.