L'annonce faite avant-hier par le nouveau ministre de la Communication, Ammar Belhimer, de lancer des ateliers dédiés à la réforme "globale" du secteur a suscité des réactions plutôt mitigées des professionnels de la presse écrite et de la presse électronique. Les journalistes, joints par nos soins, sont unanimes à dire que le problème de la presse en Algérie ne se résume pas en la tenue de nouvelles Assises nationales, appelant le ministre à mettre en application les textes qui existent déjà et à lever les entraves qui paralysent le secteur. Pour Hamid Ghoumrassa du journal El Khabar, ce nouveau projet de réformes le qualifie de "fuite en avant". "Belhimer, en tant que professionnel, connaît parfaitement les problèmes du secteur. Je m'interroge sur l'utilité de ces assises." Ghoumrassa saisit l'occasion pour lancer un appel aux autorités : "L'urgence est aujourd'hui de procéder à la levée des restrictions qui pèsent sur les journalistes. Il est plutôt indécent de parler d'Assises nationales alors qu'un confrère de la Radio internationale, Merouane Lounès, comparaîtra demain lundi (aujourd'hui, ndlr) devant le conseil de discipline, et ce, en raison des positions qu'il a exprimées sur le hirak." Madjid Makedhi d'El Watan estime, pour sa part, que le secteur de la presse n'a pas besoin de déclarations d'intention. "Le ministre de la Communication, qui est un journaliste à la base, connaît parfaitement les problèmes du secteur. Le premier des chantiers à ouvrir est celui du Conseil supérieur de l'information indépendant qui devra être créé aussi rapidement pour mettre un terme à l'anarchie actuelle. L'ouverture du secteur audiovisuel public est aussi une autre priorité", déclare-t-il. Le chantage de la publicité, via le monopole de l'Anep, a été également dénoncé par notre confrère d'El Watan : "Les pouvoirs publics doivent s'engager sérieusement à mettre un terme au monopole de l'Anep sur la publicité institutionnelle qui est utilisée comme un moyen de pression sur les médias." Hamid Guemache, cofondateur du site électronique TSA, estime, de son côté, que Belhimer connaît bien la presse pour redresser la situation. "Avant de lancer la réforme, le pouvoir doit créer le climat nécessaire pour sa réussite. Il doit d'abord mettre un terme aux pressions exercées contre les journaux et les journalistes en leur garantissant la protection nécessaire. Il doit arrêter de couper arbitrairement les journaux électroniques comme le nôtre (TSA, inaccessible en Algérie depuis 7 mois) et le chantage à la publicité", tranche-t-il. Le journaliste Mohamed Meslem du journal Echourouk se félicite, quant à lui, de l'annonce faite par Belhimer : "Il était temps d'engager des réformes profondes de l'arsenal juridique, et ce, en associant les professionnels. La profession est aujourd'hui en danger en raison des pratiques et des restrictions imposées par le régime politique sortant. Le secteur a perdu ses repères professionnels et moraux. Le secteur n'a également pas été épargné par la corruption." Pour sa part, Karim Aïmeur du Soir d'Algérie soutient que "la liberté de la presse n'a pas besoin d'ateliers ou de chantiers pour être consacrée". "Il suffit, ajoute-t-il, de respecter les textes déjà existants, à savoir la Constitution et le code de l'information. Le pouvoir doit cesser ses pratiques qui entravent, non seulement la liberté de la presse, mais aussi l'exercice du métier de manière générale dont le minimum est de présenter une information neutre et objective."