Lance Armstrong, soupçonné d'avoir fait usage d'EPO pendant le Tour de France 1999, n'a guère bénéficié de la présomption d'innocence, tant cette révélation conforte dans leurs soupçons ceux qui n'ont jamais cru au caractère naturel de ses performances. Selon une enquête du quotidien français L'Equipe publiée mardi, six échantillons d'urine de l'Américain, prélevés pendant le Tour de France 1999 et analysés en 2004 dans le cadre de tests scientifiques, ont révélé la présence d'érythropoïétine (EPO). L'EPO, produit interdit, fut la “potion magique” des sports d'endurance de la fin des années 1990. Indétectable jusqu'en 2000, elle stimule la production de globules rouges, permet d'augmenter le volume d'oxygène dans le sang et peut augmenter d'un tiers les performances d'un sportif. En sept victoires consécutives sur le Tour, de 1999 à 2005, jamais le Texan n'a été contrôlé positif. Mais chacun de ses triomphes a contribué à alimenter les soupçons, tant sa domination semblait humiliante pour ses adversaires. Les accusations de dopage portées par d'anciens proches, dans la presse ou dans l'ouvrage L. A. Confidentiel, et les réponses jugées arrogantes du champion américain ont fait de lui un homme, certes, admiré, ou redouté, mais rarement aimé. Hier, Armstrong a répondu immédiatement à l'article de L'Equipe sur son site internet, sans modifier d'un iota une ligne de défense en place depuis des années : “Je répéterai simplement ce que j'ai dit à maintes reprises : je n'ai jamais pris de drogues favorisant la performance (...) Cet article n'est rien d'autre que du journalisme à scandale.” Mais ces révélations, touchant le recordman des victoires dans le tour, ont fait l'effet d'un coup de tonnerre dans le ciel déjà chargé du cyclisme. Et personne ou presque ne s'est risqué à prendre sa défense. “Le mythe n'a plus de raison d'être à partir du moment où le mensonge est clairement mis en évidence aujourd'hui”, déclarait dans la matinée l'ancien président de la Fédération française de cyclisme, Daniel Baal, figure emblématique de la lutte antidopage. “Nous sommes très troublés, très choqués”, renchérissait Jean-Marie Leblanc, directeur du Tour de France, qui s'estime “trahi”. “S'il y avait sanction sportive (de la part de l'Union cycliste internationale), alors, en effet, les organisateurs du Tour pourraient, je ne sais pas encore sous quelle forme, s'associer au pouvoir sportif, réclamer un déclassement, une sanction”, ajoutait le patron du Tour, sans grande conviction, conscient qu'une sanction si longtemps après les faits ne permettrait pas de récrire l'histoire d'une épreuve marquée, durant sept longues années, par la domination sans partage d'un énigmatique Texan. Plus cynique, ou réaliste, Cyrille Guimard, ancien coureur et directeur sportif français, résume une opinion largement répandue dans le peloton : “Je pense qu'il s'agit là de la suite logique des choses. Cela ne me surprend pas du tout dans le contexte de 1999. Tout le monde savait que l'EPO n'était pas détectable et, par voie de conséquence donc, utilisée.” Pourtant, cet été encore, quatre ans après la mise en place des tests de détection de l'EPO, Armstrong avait écœuré ses opposants lorsque, le visage serein, il s'était livré à quelques exercices d'assouplissement en pleine ascension vers Courchevel, là où ses adversaires grimaçaient de douleur pour le suivre. Les suiveurs du Tour avaient alors été nombreux à douter de l'authenticité de ses performances. Pour Eric Boyer, le manager sportif de l'équipe française Cofidis, le préjudice dépassera probablement le cercle des fans du Tour de France : “L'image que véhicule Armstrong va bien au-delà du sport, constate-t-il, c'est un personnage public, international, qui a créé une fondation contre le cancer. Je ne sais plus maintenant quelle crédibilité apporter à ce personnage.”