Les revirements répétés du général Khalifa Haftar, bras armé du pouvoir parallèle de l'est du pays, ont compliqué la mission de la médiation internationale en Libye. La conférence prévue aujourd'hui à Berlin, en Allemagne, sur la crise libyenne constitue un défi pour la communauté internationale, incapable jusqu'à maintenant de parler d'une seule voix aux parties libyennes, en conflit depuis 2011. Avant de convaincre les belligérants libyens à accepter un cessez-le-feu durable, l'Allemagne et ses partenaires internationaux, en tant que pays surtout, devraient s'entendre sur un arrêt de toute ingérence dans ce conflit et la fin des violations de l'embargo sur les armes, imposé par l'Onu. Hier, l'émissaire onusien pour la Libye, Ghassane Salamé, est revenu sur le sujet, rappelant que "toute ingérence étrangère peut avoir un effet d'aspirine à court terme", ont rapporté les agences de presse. "La Libye a besoin que toutes les ingérences étrangères cessent. C'est un des objectifs de cette conférence", a-t-il insisté. "Parce qu'on a aujourd'hui simplement une trêve. Nous voulons la transformer en un véritable cessez-le-feu avec observation, séparation (des deux camps rivaux, ndlr), repositionnement des armes lourdes (en dehors des zones urbaines), etc." Or, ni la Turquie, qui soutient le Gouvernement d'union nationale (GNA, reconnu par l'Onu), ni les Emirats arabes unis avec l'Egypte et l'Arabie Saoudite, qui appuient Khalifa Haftar, ne semblent prêts à se départir de cette politique de soutien aux deux parties libyennes, les intérêts en jeu étant très importants en Libye et dans la région. Sur le plan interne, les parties libyennes sont nourries par une rivalité historique que le conflit actuel a fait revivre, au-delà de tout intérêt d'ordre tribal, bien que celui-ci pèse lourdement sur l'aggravation du conflit dans ce pays voisin. Outre le fait d'unifier la position de la communauté internationale, l'Allemagne, en tant qu'organisatrice de cette conférence, relèvera aussi le défi de réunir le responsable du GNA, Fayez al-Serraj, et Khalifa Haftar autour d'une même table pour discuter d'une sortie de crise devant passer par un accord de cessez-le-feu, en prélude à la tenue d'élections générales. Cela constitue évidemment un premier pas dans un processus politique, par lequel il sera possible de régler les problèmes d'ordre social, économique et humanitaire en Libye. En théorie, l'intérêt suprême du pays suggère un effort de part et d'autre pour sortir la Libye de la crise. Mais Khalifa Haftar va-t-il transformer la trêve qu'il a annoncée la semaine dernière en un accord de cessez-le-feu durable et permanent ? Cela reste difficile après la rencontre de lundi dernier à Moscou, où il avait quitté la capitale russe sans parapher le texte de l'accord négocié sur initiative russo-turque. Car le controversé général exige avant tout le retrait des troupes turques de la Libye et l'annulation de l'accord maritime qu'elle a conclu avec le GNA, il y a près d'un mois. L'homme fort de l'Est libyen exige aussi la dissolution de toutes les milices, en présence dans la capitale, Tripoli, qu'il essaie de conquérir depuis le 4 avril 2019. Mais dans ce climat de méfiance et les revirements passés de M. Haftar, la prudence reste le maître-mot aussi bien chez le GNA que chez les participants à la conférence de Berlin, dont les chances de réussite dépendent des concessions que les uns et les autres sont prêts à consentir.