Pas d'autorisations pour des réunions publiques, restrictions sur les activités de partis politiques et les médias et répression des manifestations. Plus d'un mois et demi après l'arrivée d'Abdelmadjid Tebboune au Palais d'El-Mouradia, le pouvoir n'a pas changé de méthodes. Les Algériens qui s'attendaient depuis décembre dernier à un "nouveau" langage, ont sûrement déchanté. Dans le discours, Abdelmadjid Tebboune et ceux qui incarnent le pouvoir rappellent leur volonté d'aller "vers une nouvelle République". Dans son discours d'investiture, le chef de l'Etat a même promis une république où les libertés seraient garanties et même respectées. Puis il a également fait un rappel dans le cadre des recommandations au panel de juristes chargés d'élaborer la mouture de la nouvelle Constitution. Pourtant, ces promesses se sont vites heurtées à la réalité et les partis politiques associés dans le Pacte de l'alternative démocratique (PAD), l'ont appris à leurs dépens. Une demande d'autorisation pour la tenue des "assises des démocrates" a été adressée aux services de la wilaya d'Alger. Deux jours avant la réunion, les autorités ont opposé, comme à leur habitude, un refus. Ce n'est pas la première fois que les nouveaux tenants du pouvoir tiennent un double langage. Dès son arrivée aux affaires, Abdelmadjid Tebboune avait laissé entrevoir des gestes d'apaisement en laissant entendre que les détenus d'opinion allaient être libérés. Un contingent de 76 prisonniers a, en effet, été remis en liberté, dont des figures symboliques telles que le moudjahid Lakhdar Bouregâa. Depuis, l'appareil judiciaire a fait machine arrière. La plupart des détenus d'opinion (en particulier les politiques, à l'image de Karim Tabbou, de Samir Belarbi et de Fodil Boumala) sont maintenus en détention, malgré les demandes incessantes de leurs avocats, de leurs familles et du hirak de les libérer. Leur passage devant le juge de la chambre d'accusation — qui pouvait au moins les relâcher dans l'attente de leur procès — a décidé de les maintenir en prison. Pendant que les juges gardent emprisonnés les détenus d'opinion, Abdelmadjid Tebboune continue de promettre "plus de libertés". Face au président de Jil Jadid, Soufiane Djilali, qu'il a reçu à la Présidence, le chef de l'Etat avait, une nouvelle fois, réitéré son engagement à faire "libérer" les détenus d'opinion en suivant "le calendrier judiciaire". Quelques jours plus tard, Soufiane Djilali, qui a essuyé de sévères critiques pour avoir rencontré Abdelmadjid Tebboune, est obligé de constater qu'il existe une double attitude chez les tenants du pouvoir. Soufiane Djilali se pose même la question sur une possible existence de "forces" qui "veulent bloquer le processus" engagé par le chef de l'Etat. Cela n'exclut pas un double jeu de la part des autorités. "S'il y a un double jeu, il faut le dénoncer. Il y a eu d'abord des actes avec la libération de plusieurs dizaines de détenus, puis il y a eu une tentative de reprise en main sécuritaire, ce qui est totalement inapproprié et met en difficulté toute acceptation d'un dialogue sérieux", avait-il admis. Plus que le maintien en prison des détenus d'opinion, le maintien du dispositif sécuritaire répressif, les arrestations opérées parmi les manifestants et les pressions que continuent de subir les médias sont autant de faits qui confirment que le pouvoir ne veut rien lâcher. Ce sont donc les mêmes pratiques employées par le passé qui sont utilisées. Même dans le discours, rien n'a vraiment changé : même Abdelaziz Bouteflika qui promettait plus de libertés et une véritable démocratie dans les actes, faisait tout le contraire.