L'aurore " L'idée du roman a éclos à la lecture d'un fait divers où l'odieux viol est tu, du fait que le forfait culpabilise a victime et atténue l'acte irréparable du pervers, ce mâle dominant", a déclaré l'auteur. L'agora du livre de la librairie Media-Book de l'Enag s'est rajeunie mardi 28 janvier dernier d'une poignée de gouttelettes d'eau de jouvence, du fait qu'au lieu d'habituels "croulants", il y avait à l'affiche la verve littéraire de Djawad Rostom Touati qui avait dans son panier le deuxième chaînon de la trilogie le Culte du ça, qu'il a intitulé La Civilisation de l'ersatz (éd. Apic 2019). Et comme un jeune peut en cacher un autre, le poète Zakour Fadhel, auteur de L'Empire des mots (éd. Edilivre), à qui l'on doit le choix du lauréat en 2016 du prix Ali-Maâchi (1927-1958), a dit du texte de Touati : "C'est le roman où palpite l'âme juvénile perdue dans l'égarement d'une société en errance et que le bâton du garde-chiourme a mis sous l'éteignoir." La trame n'est que l'analyse qu'il a écrite du haut d'un mirador sociétal d'où il a été aux aguets d'un noyau d'anonymes si plein d'écarts mais souffrant aussi d'inégalités. Mais qu'à cela ne tienne, l'enfant de Béni K'sila a su profiler l'échantillonnage de malheureux hères qu'incarne le quatuor Malia la répudiée puis abusée, Farid, Adib, Rami et les autres. À propos des autres, Z'hor la mère, Aïda la sœur et l'infâme Farid, ces maillons se suivent à la queue leu-leu. "L'idée du roman a éclos à la lecture d'un fait divers où l'odieux viol est tu, du fait que le forfait culpabilise la victime et atténue l'acte irréparable du pervers, ce mâle dominant", a déclaré l'orateur. Et sitôt passé l'instant d'un égarement que déjà la vision du spectre de L'Etrange Cas de Dr Jekyll et de M. Hyde (1886) de Robert Louis Stevenson hante Farid. Il s'en prend à son "double" avec lequel il joue à cache-à-cache dans sa tête et à qui il concède l'acte monstrueux de son méfait sur Malia : " Cette dichotomie vécue dans la sexualité, il n'avait cessé d'en souffrir, depuis la puberté" au motif qu'il a été lui-même abusé lors du rapt de son enfance par la perfidie du plus fort que lui. C'en était ainsi de Farid, ce "dégât" collatéral qu'il était devenu au soir de sa candeur où il a été éclaboussé du linceul taché du rouge sang de son papa qu'il garde à l'esprit depuis l'horrible nuit noire de la décennie rouge. Affublé du fatal statut d'orphelin, "Babak ghabrouh" (ton père n'est plus que poussière), Farid a subi l'assaut du caïd du gang de la cité qui l'a violé dans l'indifférence et l'anonymat d'une cage d'escalier d'une cité mouroir de la banlieue d'Alger. Est-ce là l'instant où tout bascule, comme dans l'écriture scénaristique d'un film, ou, parce qu'il n'a dit mot de son agression, Farid bascule dans la déperdition scolaire et l'emploi précaire ? À ce propos, l'œuvre de l'auteur du Culte du ça reflète l'existence fidèle de celle que l'on vit dans son quartier, dont l'intempestif parkingueur de la cité que l'on doit de subir ou sinon… C'est ce qui a fait dire à notre confrère Mohamed Bouhamidi : "C'est une écriture du défi qui a produit le roman de l'hystérie." Et puisqu'on est dans l'errance, chacun des personnages de Djawad Rostom Touati est en quête d'un coin où la misère sous d'autres cieux "serait moins pénible au soleil", comme le prédisait Charles Aznavour. Mais cela n'est-il pas le rêve national ? Donc, autant arrêter là le synopsis de notre fiche de lecture pour mettre de l'eau à la bouche du féru du verbe. À noter que l'après-midi littéraire a été modérée par le journaliste Abdelhakim Meziani.
Nourreddine Louhal La civilisation de l'ersatz,de Djawad Rostom Touati (édition Apic), 200 pages, 800 DA.