Documentaires dithyrambiques en faveur des autorités, des discours démagogiques et activités folkloriques à foison : le pouvoir a concocté plus d'une recette dans sa tentative de récupérer la contestation populaire. La veille de la célébration du 1er anniversaire du hirak, le chef de l'Etat a effectué une première manœuvre. Il a décrété le 22 février "journée nationale". La décision ne répond pas aux attentes des hirakistes. La réponse n'a pas tardé. Lors des manifestations de vendredi, les marcheurs ont scandé des slogans qui rappellent le caractère politique et revendicatif et non festif de la mobilisation. Pour nombre d'observateurs, l'annonce d'Abdelmadjid Tebboune est plus que maladroite. Le politologue Mohamed Hennad affirme que cette déclaration est une "preuve du cynisme politique" du pouvoir. Pour lui, déclarer le 22 février "journée nationale" est malvenu puisque les autorités exercent "toujours des restrictions" sur les manifestants. Chaque vendredi ou mardi, des milliers de policiers sont déployés et les accès aux grandes villes, notamment à Alger, sont fermés. Comme dans les forts moments du boutéflikisme, cette annonce, faisant du 22 février une "journée nationale", a donné lieu à toutes sortes de célébrations folkloriques. Sur les chaînes de télévision offshore, sur la télévision gouvernementale ou à la radio, on découvre, par magie, que le mouvement populaire a existé après l'élection présidentielle. Des émissions, des débats et même des reportages sont diffusés, effectués par ces médias qui ont décidé, sous la pression du pouvoir, d'ignorer carrément les manifestations populaires depuis plusieurs mois. Comme si de rien n'était. C'est le déni absolu. Cette politique de récupération n'a, cependant, pas commencé avec l'arrivée d'Abdelmadjid Tebboune au pouvoir. Même durant le pouvoir intérimaire d'Abdelkader Bensalah, le hirak avait fait l'objet de sollicitations ouvertes ou sournoises. De semaine en semaine, le pouvoir faisait croire qu'il "protégeait" les manifestants mais en même temps il "somme" les médias publics et "parapublics" de ne pas leur ouvrir leurs colonnes, antennes et écrans. Une démarche qui s'est accompagnée de répression du mouvement de contestation. Pendant ce temps, les relais du pouvoir font croire que "les revendications populaires" sont "satisfaites" et ce qui reste sera "réalisé par le président qui sera élu". C'est ce discours que tente de vendre aujourd'hui Abdelmadjid Tebboune. Dans sa politique de souffler le chaud et le froid, le pouvoir utilise une méthode qui ne trompe pas : la politique de la carotte et du bâton. En même temps qu'il "célèbre" avec les Algériens la date anniversaire du début de la révolte contre le pouvoir, il réprime les manifestants et emprisonne des militants qui estiment que le combat pour lequel ils se sont engagés n'a pas encore abouti, et qui contestent, donc, sa démarche et son projet politique. Un double discours qui finit par se retourner tel un boomerang contre ses promoteurs.