La peur du Covid-19 et les strictes consignes d'hygiène et de prévention décrétées par les pouvoirs publics pour freiner la propagation du coronavirus ont complètement changé les habitudes et le mode de vie des habitants de Bordj Bou-Arréridj, comme d'ailleurs des autres villes d'Algérie. Salutations à distance, pas d' accolades ni d'embrassades, prières à domicile, plus d'achat dans les souks, pas de bain maure ou de chicha entre amis dans les cafés, pas de thé de Timimoune, pas de couscous ensemble ni de brochettes à El-Achir... Les Bordjiens, et à mesure que grimpe le nombre de décès des conséquences de la contamination par le Covid-19 dans le monde, commencent à prendre conscience de l'importance de respecter les mesures d'hygiène et de salubrité qu'impose la gravité de la situation et d'adhérer aux messages des autorités.
En effet, depuis le début de la semaine, les quartiers populaires de Bordj Bou-Arréridj et ses rues, qui grouillent de monde habituellement, ont été désertés par les centaines d'habitants et de passants qui y déambulaient jusque tard dans la soirée. Les administrations publiques tout comme le secteur privé ont mis en place les modalités pratiques pour accompagner les mesures édictées par le gouvernement, comme la mise en congé volontaire du personnel, le port des gants et le travail à distance. La circulation est inhabituellement limitée dimanche, en ce premier jour de la semaine. De nombreux employés ont été incités à travailler depuis leur domicile. "C'est comme si c'était le week-end, pas le début de la semaine", observe un chauffeur de taxi clandestin. Les cafés, restaurants, salons de coiffure, bains maures, salles de sport, piscines… ont été sommés de baisser rideau conséquemment aux mesures de prévention décidées par le gouvernement pour faire face à la propagation du coronavirus. La vie au ralenti Les récalcitrants ou ceux qui tentent de détourner la loi pour obtenir des gains personnels au mépris de la santé des citoyens, comme le fait d'exercer rideau baissé, reçoivent illico presto la visite des agents d'autorité qui les rappellent à l'ordre, car rien ne vaut une menace directe et avérée à la santé et à l'intégrité physique des populations. La vie semble évoluer au ralenti, les gens accélèrent le pas pour expédier les quelques tâches qui les ont fait sortir dehors avant de retourner chez eux. Les Bordjiens ont commencé à se défaire de certains comportements et habitudes qui pourraient favoriser la propagation du virus, comme le rituel de la consommation de café par groupes importants de personnes, pour se conformer aux nouvelles exigences sanitaires que requiert ce combat implacable contre le coronavirus que mène actuellement le pays. Les gens ont cessé de se serrer la main ou de s'embrasser et tiennent à être équipés en permanence de gel désinfectant, conformément aux recommandations des autorités sanitaires. Ils se saluent à distance, demandent des nouvelles des autres, en cette époque de grand doute. Ils redécouvrent les vertus de bienséance, ne se bousculent plus chez le boulanger ou l'épicier du coin… sauf devant un sac de semoule ! La prière chez soi a été plus difficile à faire passer aux fidèles, surtout les vieux et les habitués. "J'ai 80 ans, depuis mes 10 ans je n' ai jamais quitté la mosquée. Il m'arrive de rater une prière, mais jamais deux ou une journée", dira un vieux. "Quand le muezzin entonne un inhabituel appel à la prière : ‘Priez chez vous ! Priez chezvous !', je pleure", ajoute-t-il. "Tant bien que mal, l'on s'habitue à se confiner, même si cela pèse sur certains d'entre nous", dira un maçon, 41 ans, père de 4 enfants. "J'ai appris à faire la grasse matinée, la sieste, à suivre les réseaux sociaux et surtout à connaître mes enfants", a-t-il expliqué, en ajoutant que même s'il perd de l'argent, il vient de gagner des moments de bonheur avec sa petite famille. Le plus difficile est pour les femmes et les jeunes. Les premières, en plus des tâches ménagères habituelles, passent beaucoup de temps en cuisine pour préparer les repas, les gâteaux et les desserts. "Depuis que toute la famille est ensemble, on mange beaucoup plus et on grignote aussi", dira une mère au foyer. Les jeunes, quant à eux, trouvent le temps lourd. "J'ai besoin de mes amis ; je m'ennuie à mourir. Passer des journées avec ses parents, ses frères, c'est lourd à vivre", dira un étudiant en médecine. "Chacun est dans son coin avec son téléphone portable. On ouvre la bouche juste pour manger. Il n'y a plus ces vieilles histoires de grand-mère. On est en plus angoissé, stressé et isolé", dira une jeune lycéenne, jointe par téléphone. "L'internet avec son mauvais débit nous prive de voir d'autres chaînes cryptées", a-t-elle dénoncé. En attendant des jours meilleurs, les Bordjiens prennent leur mal en patience.