La demande pétrolière devrait probablement chuter au-delà de ce qui a été anticipé jusqu'à présent, prévoit l'IFP Energies nouvelles dans son "tableau de bord pétrolier", publié lundi dernier. L'institut de recherche français rappelle que la crise de 2008 a entraîné une récession en 2009 au niveau mondial (-0,1%) avec pour effet des baisses de 0,5 million de barils par jour et 1 million de barils par jour de la demande de pétrole sur ces deux années, suivies d'une reprise en 2010 (+3 millions de barils par jour). "Sur la base d'une contraction de 3 à 4% de l'économie mondiale, les modèles fondés sur les évolutions passées montrent que la baisse de la demande pétrolière pourrait se situer autour de 2 à 3 millions de barils par jour en moyenne annuelle", indique l'IFP Energies nouvelles. Ces modélisations, nuance l'institut de recherche, ne sont néanmoins pas adaptées à un monde dont la moitié de la population est confinée et où les revenus du secteur aérien pourraient reculer de 40% en 2020. "En ordre de grandeur, une baisse de 40% de la demande du secteur des transports terrestres (28% de la demande totale) et du secteur aérien (8%) représente 14 millions de barils par jour en moins. Il convient également de tenir compte des ajustements inévitables pour le fret (15%), l'industrie (18%) ou le secteur maritime (5%)", souligne l'Institut français du pétrole. "Si cette situation devait durer 2 à 3 mois, hypothèse incertaine, la consommation pétrolière serait en retrait de 3 à 5 millions de barils par jour sur l'année", estime-t-il. L'IFP Energies nouvelles évoque aussi la dégradation de l'économie mondiale. Le FMI a indiqué le 23 mars dernier que la croissance mondiale serait négative en 2020, sans donner de chiffres précis, tout en espérant une reprise en 2021. "La forte baisse des indicateurs de l'activité économique (Indice PMI de IHS Markit) en février et en mars accrédite cette prévision", a constaté l'institut de recherche français. "Les indicateurs mensuels de l'activité globale, inférieurs pour la plupart à 50, signe d'un ralentissement économique, s'effondrent, se situant à 27,5 en Chine, à 46,1 au niveau mondial (en février), à 31,4 pour la zone Euro, à 35,8 au Japon et à 40,5 pour les Etats-Unis (en mars)", a-t-il ajouté. Une étude, citée par l'IFP Energies nouvelles, estime le recul du PIB mondial, sous les effets du coronavirus, à 3,1% en 2020, recul qui pourrait toutefois être suivi d'un rebond massif en 2021. "Une simulation simple, faite sur la base d'une baisse d'activité de l'ordre de 30% sur trois mois, aboutit à une contraction de 3,6% de l'économie mondiale", soutient le centre de recherche français, relevant que les échanges se poursuivent entre les Etats-Unis et l'Arabie Saoudite pour tenter de limiter la crise du secteur pétrolier. Selon l'IFP Energies nouvelles, la stratégie actuelle de l'Arabie Saoudite et de la Russie en particulier (hausse de la production) conduira par nécessité, avec la baisse de la demande, à réduire drastiquement l'offre d'autres pays. Cela pourra aussi aboutir à de nouveaux reculs des prix du Brent si les capacités de stockage sont saturées, à l'image de ce qui se passe déjà aux Etats-Unis. "Une coordination plus large des pays producteurs, au-delà de l'Opep+, permettrait de mieux partager le fardeau et d'éviter ainsi des impacts économiques et sociaux très négatifs pour certains pays", estime l'Institut français du pétrole. Ce dernier relève, par ailleurs, que la plupart des compagnies pétrolières ont annoncé des baisses drastiques des dépenses portant sur les investissements et les coûts opératoires. En ce qui concerne les investissements, les ajustements se situent autour de 20% pour les majors et atteignent 30% et plus pour certaines compagnies impliquées dans les "shale oil". Ces réductions auront, selon l'IFP Energies nouvelles, des conséquences relativement rapides dans ce secteur, avec des baisses conséquentes de la production dès l'année prochaine.