El-Bahia, capitale de l'Ouest, jadis ville radieuse, captivante et attrayante est aujourd'hui une région qui fait peur en raison notamment de l'insécurité, de l'insalubrité, de la corruption… Si, étrangement, ma langue s'est déliée et ma plume s'est aguerrie, c'est pour parler d'El-Bahia, ville hétéroclite qui renferme bien des secrets et des déceptions. Certes, jadis la ville radieuse, enivrante, captivante l'est toujours. Ses monuments, ses sites et ses vestiges en témoignent. Les ruines aussi ! mémoire d'un passé glorieux. Capitale de l'Ouest, deuxième ville d'Algérie qui rivalisait avec la capitale et qui continue à l'être. Ceux qui l'ont connue il y a quelques décennies vous le diront et vous le confirmeront : Wahran était une ville magnifique, superbe et attrayante. La visiter aujourd'hui en est tout autrement. Un spectacle de désolation, d'insalubrité, d'un manque d'hygiène flagrant et un climat d'insécurité vous frappent et vous glacent le dos surtout à la suite de récits colportés de bouche à oreille sur les agressions de toutes sortes, la négligence, le laisser-aller de certains responsables qui se cantonnent derrière leurs bureaux, à l'abri de la chaleur, bercés par la fraîcheur de climatiseurs. Faudrait-il une deuxième alerte à la peste pour sonner le glas et se réveiller pour de bon ? Ou attendre que les choses changent d'elles-mêmes ? Wahran, symbole des deux lions, est-elle en train de devenir ville des deux lionceaux ? Tant les choses vont mal. Les habitants de certains quartiers ne reçoivent l'eau qu'une fois tous les trois jours, parfois, cela dure plus d'une semaine; dans d'autres, le phénomène perdure. L'alimentation en eau douce est un mirage et les colporteurs d'eau, encouragés par cette urbaine, en tirent d'énormes profits. Eau transportée, la plupart du temps, dans des tôles galvanisées, d'une hygiène douteuse. Et dire que les Romains, à l'époque, construisirent des viaducs qui desservaient cette denrée rare. Aujourd'hui encore en 2005, des charrettes sillonnent la ville, offrant fruits et légumes, à la convoitise des yeux et des escarcelles fragiles. Les chevaux et les ânes affectés à cette tâche, ne se gênent nullement pour déverser “les délices” d'une nourriture à même le sol. Encore un travail pour les éboueurs. Partout, devant les immeubles, les maisons individuelles, d'énormes tas d'immondices et d'ordures ménagères jonchent le sol. Même les éboueurs s'en prennent au jeu et ne ramassent que ce qu'ils veulent, laissant le reste à la merci des rougeurs, véritables diables de Tasmanie, des rôdeurs et des vadrouilleurs nocturnes en prenant soin de fendre des sacs et de répandre leur contenu. Les sens interdits sont dévalés à toute vitesse par des conducteurs irrespectueux. Quand l'inconscience frise le ridicule et l'insouciance ! Les enfants colonisent les rues en s'adonnant à leur jeu favori : le foot. Les piétons l'occupent littéralement, défiant les automobilistes, leur jetant parfois un regard glacial et des paroles acerbes et véhémentes. Ne vous étonnez pas si vous croisez de temps à autre de jeunes délinquants, bouteilles de bière à la main, déambulant dans les rues ou agenouillés sur les trottoirs rendant la vie difficile au voisinage par leurs veillées nocturnes agrémentées de paroles obscènes et intempestives qui empêcheraient toute assemblée familiale. Des véhicules neufs pour la plupart et conduits par n'importe qui, roulent à grande vitesse risquant la vie d'autrui à chaque instant. Equipés de mini-chaînes qui dégagent une musique assourdissante, des diables en puissance. Tant pis pour nos tympans ! Quant aux routes défoncées et parsemées de “dos d'âne”, j'allais dire dos de dromadaire, rendent la vie difficile aux automobilistes les plus hardis et les plus endurcis et venant à bout des amortisseurs les plus performants. De quoi vous rendre dingue ! Même les grandes avenues et les grands boulevards qui connaissent un véritable afflux n'échappent pas à cet état des lieux. Vous n'avez qu'à parcourir les rues de M'dina J'dida, La Bastille, la cité Lescures pour vous rendre à l'évidence. Tout règne dans le désordre. L'environnement y est défiguré même. Se garer quelque part pour faire quelques emplettes relève du défi. Vous êtes obligé d'avoir recours à “ces vigiles” armés de matraques. Autrement, à votre retour, la surprise fait mal et les cardiaques flancheront. Car au cours d'un vol, personne ne vole à votre secours. Plus de “rojla”. Souvent, des personnes sont tabassées avant d'être délestées de leur véhicule. La corruption fait rage et le plus vieux métier du monde se pratique au vu et au su de tout le monde. Les services de sécurité ont beau multiplier les rafles et les rondes, cette espèce de vermine (pickpockets, cambrioleurs…) poussent comme des champignons et pullulent la ville. Personne n'est à l'abri. La population est livrée à elle-même telle un troupeau sans berger. Autant s'armer de patience et crier non à cette carence. Aujourd'hui, on a bien envie de dire assez, assez à ces tracasseries administratives, assez à ce laxisme précaire, assez à ces agressions, assez à cette insalubrité qui ruine l'ordre public, assez à ces détritus, assez à cette soif qui me serre la gorge car le robinet a rendu son dernier souffle. Et il faut, comme d'habitude, se rabattre sur ce colporteur d'eau ! Wahran, quand redeviendras-tu belle et pimpante comme tu l'étais ? Quand te débarrasseras-tu de ces vermines et ainsi permettre aux gens honnêtes de savourer la vie et de respirer à pleins poumons cet air frais qui a fait ta renommée. Wahran, à la veille de la réconciliation nationale, ville symbole de souveraineté, d'intrépidité et de plénitude qui reflète l'assurance, la gaieté et la joie d'y vivre, parviendra-t-elle à sortir des affres de cette tourmente. Wahran, je ne t'envie pas, je te pleure. M. E. LOTFi