Pendant trois minutes, le pays le plus peuplé au monde d'où est partie la pandémie est resté figé. Le recueillement solennel observé hier au pays de Mao, en hommage aux victimes du Covid-19 dont le dernier bilan fait état de plus de 81 000 contaminations et 3300 décès, charrie un autre enseignement qui prête à méditation. Un pays qui a jugulé la pandémie grâce notamment au sens civique de sa population qui a observé scrupuleusement les mesures prises par les autorités et les recommandations de ses scientifiques qui étaient en première ligne de la lutte contre l'épidémie de coronavirus (Covid-19). Parmi ces derniers, George Gao, le directeur général du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies. À la tête d'une agence de 2000 employés, il est parvenu avec son équipe à isoler et à séquencer pour la première fois le SARS-CoV-2, ou coronavirus 2, du syndrome respiratoire aigu sévère, qui cause la maladie appelée Covid-19 et travaille toujours d'arrache-pied pour apporter des réponses à cette pandémie. Difficilement accessible par les médias à l'instar de tous les scientifiques chinois de renommée internationale, il est néanmoins revenu sur l'expérience de son pays, épicentre de la pandémie qui secoue de plein fouet la planète. Dans un entretien publié par la revue américaine Science et repris par le journal Le Monde, George Gao partage l'avis des chercheurs et de la communauté scientifique quant au fait que "personne, nulle part dans le monde, n'aurait pu prédire que ce virus allait entraîner une pandémie. C'est la première pandémie de l'histoire qui ne soit pas causée par un virus de la grippe". Néanmoins, estime-t-il, "la grande erreur aux Etats-Unis et en Europe est, à mon avis, que la population ne porte pas de masque. Ce virus se transmet par les gouttelettes respiratoires, de personne à personne. Les gouttelettes jouent un rôle très important, d'où la nécessité du masque – le simple fait de parler peut transmettre le virus. De nombreux individus atteints sont asymptomatiques, ou ne présentent pas encore de symptômes : avec un masque, on peut empêcher les gouttelettes porteuses du virus de s'échapper et d'infecter les autres". Les enseignements de l'expérience chinoise qui peuvent profiter aux autres pays touchés par le coronavirus se focalisent selon lui autour de la distanciation sociale : "Elle est la stratégie fondamentale dans le contrôle de toutes les maladies infectieuses, et plus encore des infections respiratoires. D'abord, nous avons déployé des "stratégies non pharmacologiques", dans la mesure où nous ne disposons d'aucun inhibiteur ou médicament spécifique, ni de vaccin. Deuxièmement, il faut faire en sorte d'isoler tous les malades. Troisièmement, placer en quarantaine les cas contacts : nous avons consacré beaucoup de temps à leur identification et à leur isolement. Quatrièmement, interdire tous les rassemblements. Cinquièmement, restreindre les déplacements, d'où l'instauration de la quarantaine, ou "cordon sanitaire"." Les mesures de confinement prises par les autorités chinoises se sont également basées sur la mise en place de contrôleurs de quartier chargés de surveiller leur application localement. George Gao explique dans l'entretien cette approche : "Il faut avant tout que les mesures soient comprises et fassent consensus. Pour cela, il faut une forte volonté politique, aussi bien à l'échelon local que national. Il faut que contrôleurs et coordinateurs impliquent étroitement la population. Les contrôleurs doivent connaître l'identité des cas contacts, mais aussi des cas présumés. Les contrôleurs de proximité doivent être très vigilants, leur rôle est essentiel." De même, le scientifique chinois donne son avis sur l'usage quasi généralisé du thermomètre. "Partout où vous allez en Chine, il y a des thermomètres. La prise de température généralisée permet de ne pas laisser entrer quiconque présente de la fièvre. S'agissant d'un virus à enveloppe, on est tenté de penser qu'il est fragile et particulièrement sensible à la température ou à l'humidité des surfaces. Cependant, des résultats obtenus aux Etats-Unis et des études chinoises laissent penser qu'il serait très difficile à détruire sur certaines surfaces. Il pourrait être capable de survivre dans de nombreux environnements. Sur ce point, nous attendons des réponses scientifiques." Et si la Chine a plus ou moins jugulé la propagation de cette pandémie, les risques sont toujours présents. George Gao reconnaît en effet que "pour l'heure, nous n'avons plus de transmission locale, mais notre problème vient désormais des cas importés. Un très grand nombre de personnes infectées arrivent désormais en Chine… L'immunité collective n'est pas encore atteinte, c'est une certitude. Mais nous attendons des résultats plus probants des recherches d'anticorps, qui nous diront exactement combien de personnes ont été infectées".