L'exposition-vente des produits artisanaux, tenue du 27 août au 1er septembre à la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, à l'initiative de la Chambre de wilaya de l'artisanat et des métiers, en collaboration avec le ministère de la Petite et Moyenne entreprise, n'a pas drainé les grandes foules, d'où une mévente des produits malgré “l'utilité et l'importance” de la manifestation qui a regroupé une vingtaine d'artisans représentant plusieurs wilayas du pays. Outre Tizi Ouzou, avec ses nombreux artisanats (tapis des Aït Hichem, le bijou de Béni Yenni, la poterie de Maâtkas, d'Aït Khelili et tant d'autres encore), sont également présentes les wilayas de Annaba, de Tiaret, de Aïn Defla, de Boumerdès, de Bouira… Nadjem Benyoucef, graveur sur verre (Aïn Defla), réalise avec une machine et la dextérité de ses mains de véritables prouesses de gravures sur tous genres de verre, à la demande du client ; Boucif Fawzia-Karima, une artisane, artiste peintre sur soie (Annaba), réussit de son côté des merveilles avec la finesse de ses doigts et de ses pinceaux dans les tatouages “temporaires” — un tatouage peut durer plus d'une semaine sur la peau — dit-elle, en motifs berbères généralement, et dont raffolent les jeunes filles et les femmes en général à l'occasion des fêtes. La peinture spéciale utilisée, appelée “herqous”, est fabriquée artisanalement à partir de plantes végétales, explique la jeune Fawzia-Karima Boucif. Fellak Ahmed de Tiaret, spécialiste des arts du sable, est également présent avec la conception d'une multitude de tableaux et de beaux dessins à base de sable fin ; Derriche Arezki, un potier de Bouira, Ikour Rachid, du village Aït Aïssi Ouzeggane (Maâtka), Ziani Baya et Brik Samir, Touati Amar… des artisans en poterie à Maâtkas. Dans la fabrication et préparation en bijouterie, on a retrouvé Benakil Antar de Bouira, Kaci Belkacem, de Boumahni, Gherab Idir, Bourahla Kamal d'Aït Yenni, etc. Ce dernier a eu plusieurs fois des prix et des reconnaissances à l'échelle nationale, avant d'être félicité par le directeur général de l'artisanat, Ali Osmani, venu marquer de sa présence la clôture de la manifestation. Des avis recueillis auprès de certains d'entre ces artisans varient, mais ils s'accordent à dire qu'il existe une certaine indifférence des responsables, ce qui pénalise leurs activités. “Nous ne trouvons pas de soutien auprès des services concernés malheureusement. Nous sommes obligés d'acheter au noir la matière première, alors qu'il revient normalement à l'Etat de nous fournir. Parfois, en achetant en quantité, quand nous en trouvons dans des foires nationales, par exemple, tenues dans d'autres wilayas, la douane s'oppose à ce que nous prenions vers la wilaya d'exercice”, dira un fabricant bijoutier. “Depuis les événements de Kabylie, il y a une sorte de hogra contre nous. Heureusement, l'actuel directeur général de l'artisanat fait de son mieux et nous aide beaucoup”, fera remarquer un autre artisan bijoutier. Son camarade estime, lui, que la presse nationale “ne nous aide pas en faisant la publicité des produits étrangers, alors qu'une sorte d'omerta frappe les nôtres. Et Dieu sait que nos produits artisanaux sont non seulement meilleurs, car ils ne sont pas fardés, mais également moins chers et avec une garantie de surcroît, contrairement aux produits venant de l'étranger qui n'en ont aucune, à l'exemple des produits turcs”. Un autre artisan hôte de la semaine du bijou à Tizi Ouzou croit que les artisans exerçant hors de la capitale n'ont même pas droit de cité. “Nous ne sommes même pas considérés comme des artisans. Il n'y a que ceux qui sont près de la source qui bénéficient des avantages (facilités, participation aux foires à l'étranger…)”. Un autre dira : “Vous savez, je lutte depuis 15 ans pour que cette noble pratique ne disparaisse pas, mais j'ai peur qu'il n'y ait plus de relève. J'ai participé plusieurs fois à des foires internationales. Notre activité émerveille les étrangers par sa pureté et sa finesse, mais pour y participer, c'est le parcours du combattant.” D'autres artisans, notamment les fabricants du bijou, espèrent faire partie des participants à la prochaine foire culturelle d'Espagne, comme l'a promis le directeur général de l'artisanat, qui aura lieu prochainement dans le cadre des échanges culturels euro-méditerranéens. Un bijoutier d'Aït Yenni fera remarquer la diminution de la vente de nos produits avec la rentrée scolaire qui s'annonce, mais “nous sommes confrontés surtout au manque de corail. Autrement, question concurrence à l'étranger, elle n'existe même pas puisque nous sommes seuls en matière de label identitaire de nos produits. Des émigrés retournant en Europe après leurs congés dans leurs régions natales, y écoulent d'importantes quantités de bijoux et de produits artisanaux qu'ils emmènent avec eux. Ceci démontre qu'à l'étranger, il est voué un véritable culte aux produits artisanaux de Kabylie”. “Nous nous demandons pourquoi nos centres culturels à l'étranger restent fermés éternellement au lieu de servir périodiquement de cadre d'expositions-ventes de nos produits artisanaux”, s'est interrogé Bourahla Kamel, un primé du ministère de la Culture, détenteur du 2e prix national 2005 du ministère de la PME, qualifié de “meilleur artisan bijoutier d'Algérie, de haute qualité esthétique, harmonie de forme et de décor”, pour ses réalisations d'art. Salah Yermèche