En dépit du stress extrême, à cause du manque d'équipements de protection adéquats, ces agents doivent assurer leur mission de nettoyage, indispensable au ralentissement de la propagation du virus. Des tâches, auparavant ingrates et aujourd'hui si dangereuses, mais essentielles, puisqu'elles doivent se poursuivre malgré le risque permanent. Selon eux, "accomplir sa mission en se sentant plus que jamais responsable par ces temps de prudence n'empêche pas de partir au travail avec la boule au ventre, surtout lorsque les conditions de protection sont loin d'être réunies". Il est 6h30 du matin, le camion entre comme d'habitude dans un quartier de la ville pour le ramassage des poubelles. Les quatre agents de nettoyage sont équipés d'un minimum de moyens de protection, se limitant à une combinaison ordinaire et à des gants. Une fois la collecte finie, ils désinfectent minutieusement le quartier, avant de se diriger vers d'autres cités. Les agents chargés du nettoyage ont l'impression d'être les oubliés de ce front commun contre le coronavirus. Ils affirment travailler avec le minimum de moyens, à savoir des gants de ménage, qui ne sont pas complètement imperméables, ou avec des gants jetables, qui ne sont pas assez solides et qui se déchirent au moindre geste. "J'ai vraiment peur d'attraper ce virus. Nous ne disposons de rien, ni de gel pour se désinfecter les mains, ni de combinaison. La direction nous avait donné de l'eau mélangée avec de la Javel ! La seule chose qu'ils nous impose est la distanciation, qui ne peut être par ailleurs respectée dans le camion à benne. Nous ne disposons pas également de bavettes, mais nous comprenons qu'elles soient réservées au personnel soignant", raconte Rabah, un employé dans une entreprise de nettoyage publique. Et d'ajouter : "Nous essayons de faire notre travail et d'éviter de trop y penser." Un manque criant de matériel se pose également dans la même entreprise. "Parfois, on ne nous donne qu'un masque par jour ; ce n'est pas suffisant. La plupart des agents ont dû acheter des bavettes par leurs propres moyens. Nous avons un peu l'impression d'être négligés. Malgré tout, nous essayons de faire notre travail convenablement avec le sentiment que nous contribuons aussi à minimiser la propagation de ce virus", nous confie Ammar, un autre employé de la même entreprise. "Au début, nous ne disposions pas de moyens nécessaires pour nettoyer. Maintenant, nous utilisons énormément de produits désinfectants. Nous sommes tenus à être particulièrement attentifs aux surfaces les plus exposées et touchées par les résidents, comme par exemple les poignées de porte et les rampes d'escaliers. L'opération de désinfection se fait deux à trois fois par jour", explique-t-il. Son coéquipier Malek nous fait part de ses peurs : "Je vis toujours chez mes parents, et ma mère a des soucis cardiaques. Je suis moi-même diabétique. Au début je prenais ce problème de coronavirus avec légèreté, mais tout ce que l'on voit ces derniers jours, avec le nombre de personnes contaminées qui ne cesse d'augmenter, je me suis rendu compte que la situation est alarmante. Je suis prêt à travailler, mais je dois avouer que la peur prend peu à peu le dessus. J'ai vraiment peur d'attraper le virus et de le transmettre à ma famille à cause du manque de moyens. Nous avons fait part de ces inquiétudes à la direction, mais nous n'avons rien reçu." De leur côté, les responsables locaux ne manquent aucune occasion pour affirmer que les agents de nettoyage ont été dotés de tous les moyens nécessaires et de plus de produits bactéricides et virucides depuis quelques jours. Ce que démentent les agents sur le terrain. Signalons que depuis une quinzaine de jours la quantité de déchets à Constantine a considérablement diminué en raison de la baisse de l'activité économique, notamment avec la fermeture des restaurants.