Les tenants du pouvoir ont, visiblement, fini par comprendre que rien n'était possible sans se débarrasser des forces soupçonnées d'être hostiles aux changements envisagés. La mise à l'écart pour le moins spectaculaire du puissant Wassini Bouazza, directeur général de la sécurité intérieure, a constitué une secousse non négligeable à l'intérieur du sérail algérien et dont l'onde de choc a été fortement ressentie sur la scène nationale. Et pour cause, l'homme, qui a été déquillé au bout d'un phénoménal bras de fer avec la présidence de la République, avait pu asseoir un pouvoir, certes imperceptible pour le commun des citoyens, mais qui s'est révélé au grand jour avec des débordements flagrants sur les missions et les prérogatives de l'Exécutif gouvernemental. Et c'est sans doute cela qui a fini par choquer au sein de la plus haute hiérarchie de l'Etat et constitué, ainsi, la goutte qui afait déborder le vase. Car la coupe était déjà pleine, il y a bien longtemps. Pourtant, le parcours du concerné au sein des services de renseignement n'est pas aussi long qu'on peut le croire. Et c'est en pleine campagne électorale pour la présidentielle du 12 décembre que les premières tensions entre les services dirigés par Wassini Bouazza et Abdelmadjid Tebboune ont été enregistrées. Certains médias, entre chaînes de TV et presse écrite, se sont ligués, dans une répugnante campagne alimentée par de sombres officines, pour déstabiliser le candidat qui a fini par triompher dans les conditions que l'on sait. Le bras de fer entre les deux camps ayant penché en faveur de la présidence de la République, un tel dénouement augure-t-il forcément d'un changement dans la gouvernance dans le sens d'un apaisement politique qui permettrait au pays de se remettre sur la voie de la reconstruction ? Quel sera l'impact de ce bouleversement sur l'action de l'Exécutif ? Le chef de l'Etat, débarrassé des forces pointées du doigt comme étant responsables des résistances aux réformes, ira-t-il au bout des promesses d'apaisement qu'il n'avait, du reste, eu de cesse de répéter depuis sa prise de fonction ? Autant de questions pour le moins légitimes que la population est en droit de se poser, elle qui, certes, reste fortement mobilisée dans la bataille contre le coronavirus, mais continue d'affronter la politique répressive des autorités contre des citoyens qui ont pour seul tort d'être des activistes politiques ou des militants du hirak. On prête, en effet, au désormais ex-patron de la DCSI une intrusion dans le travail de la justice et la chasse aux sorcières engagée contre les hirakistes au moment où le pouvoir politique tentait de jeter les ponts pour une détente tant souhaitée par les Algériens. Cette contradiction dans l'action de l'Etat n'a pas tardé à apparaître au grand jour. Cette situation avait été dénoncée de façon virulente par les acteurs politiques, les organisations des droits de l'Homme, les syndicats et les personnalités nationales qui avaient appelé le chef de l'Etat à user de ses prérogatives pour faire cesser la répression qui, parfois, s'est faite en dehors du cadre des lois de la République. Avant de s'attaquer à la tarasque, le président Tebboune semble avoir pris le temps d'avancer ses pions, un à un an, jusqu'à resserrer complètement l'étau autour de la cible, en s'aidant, notamment de l'état-major de l'armée. Quatre mois seulement lui ont suffi pour se débarrasser du patron de la DCSI dont les agissements commençaient à faire grincer des dents au niveau des institutions, mais aussi au sein de l'opinion publique. En cause, des ramifications dans les appareils médiatique et judiciaire qui parasitaient le travail de l'Exécutif, engagé dans une opération de rétablissement de la confiance perdue entre l'Etat et la population. Le système, conscient de l'impasse dans laquelle il s'est retrouvé et, avec lui, le pays, savait pertinemment qu'il n'avait d'autres choix que de tenter de se réformer et de s'ouvrir sur la société pour se perpétuer. Mais, au final, les tenants du pouvoir ont, visiblement, fini par comprendre que rien n'était possible sans se débarrasser des forces soupçonnées d'être hostiles aux changements envisagés. En passant à l'action, le président de la République réussit là son premier coup de maître dans la guerre larvée qui l'opposait à un mini-système qui n'hésitait pas à montrer ses crocs, ne se souciant point de l'image renvoyée de l'Etat et des institutions. Il lui reste à démontrer, par les actes, que ses intentions, ressassées à maintes reprises, de bâtir une nouvelle Algérie, qui fasse la part belle aux idéaux de justice et de liberté, sont sincères.