Depuis la mise en branle des dispositions de prévention contre le coronavirus, dont l'interdiction des rassemblements publics et l'instauration du couvre-feu, les interpellations et les convocations d'activistes et d'animateurs du hirak par les différents services de sécurité se multiplient. Le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), qui suit de près l'évolution de la situation des détenus et rend compte quotidiennement des interpellations et poursuites judiciaires engagées contre les hirakistes, a recensé 17 activistes condamnés à la prison depuis début avril et que près de 70 personnes ont été convoquées ou interpellées par les services de sécurité à travers plusieurs wilayas du pays. Cette vague d'interpellations et de convocations, souvent pour des publications sur les réseaux sociaux, conjuguée au report des procès des détenus politiques et d'opinion a convaincu les hirakistes de tous bords de la volonté du pouvoir de casser le formidable mouvement de contestation né le 22 février 2019. Et si la majorité s'interdit toujours les manifestations pour ne pas contribuer à la propagation du coronavirus, des citoyens ulcérés ont brisé l'interdit et porté leur colère dans la rue. Ainsi, à Tizi Gheniff et Tigzirt, deux communes de la wilaya de Tizi Ouzou, quelques centaines de personnes ont organisé des rassemblements pour apporter leur soutien à des hirakistes convoqués par la police et dénoncer ce qui est qualifié d'acharnement contre les activistes du hirak en reprenant quelques-uns des slogans chers au mouvement de contestation populaire. À Feraoun, wilaya de Béjaïa, le collectif des citoyens de la commune appelle à une marche aujourd'hui pour exiger, notamment, la libération de tous les détenus d'opinion du mouvement du 22 février et l'arrêt de la répression et des arrestations arbitraires, selon un communiqué diffusé hier. Beaucoup d'avocats ont également dénoncé la convocation effrénée de hirakistes et les actions judiciaires engagées contre eux pour des publications sur facebook : "Si les citoyens pouvaient s'exprimer sur les médias, ils ne publieraient pas sur les réseaux sociaux", a expliqué Me Nabila Smaïn, avocate de Tizi Ouzou, dans un enregistrement vidéo, tandis que Me Ahmed Mebrek, du barreau d'Oran, rappelle que "la liberté d'expression est un droit garanti par la Constitution". Coronavirus oblige, Internet et les réseaux demeurent, cependant, l'espace de lutte que les hirakistes ont investi pour poursuivre la lutte pour "un Etat de droit, fondé sur le respect des libertés et la justice sociale" et, naturellement, pour dénoncer la vague d'interpellations qui cible les acteurs du mouvement de contestation. Depuis l'intensification des convocations, les hirakistes-internautes ont densifié leurs efforts autour de la libération des détenus d'opinion et l'arrêt du harcèlement. La semaine passée, notamment, de bruiteuses campagnes ont été organisées à travers Facebook et Twitter. Mardi 5 mai au soir, l'opération #Free_the_detainess (libérez les détenus) était inaugurée sur Twitter et récoltait quelques milliers de tweets, et le jeudi suivant, #Liberté d'expression est un droit garanti par la Constitution d'Algérie était lancée sur le même réseau de microblogage. "La tentation est grande de reprendre les marches, mais jusqu'ici, nous avons réussi à privilégier la sagesse. La pandémie du Covid-19 n'est pas une mince affaire et nous avons tous la responsabilité de ne pas contribuer à sa propagation", a expliqué un hirakiste de la première heure en annonçant, toutefois, un "tsunami humain dès que le corona sera vaincu". Un tsunami humain, c'est, en effet, ce que promettent des hirakistes très frustrés par la suspension des manifestations, décidée à la mi-mars pour l'intérêt public, mais également "très remontés contre les tentatives de briser l'élan du 22 février à la faveur du coronavirus", termine notre interlocuteur.