Le projet de loi de finances complémentaire 2020 prévoit une nouvelle hausse des prix des carburants dès cet été, la quatrième depuis le krach pétrolier de la mi-2014. En moins de cinq ans, l'essence normal est passée de 21,20 DA par litre en 2015 à 41,32 DA/l cette année, en application des dispositions de la LFC 2020, alors que l'essence super est passée de 23 DA/L (2015) à 44,35 DA/L (2020). L'essence sans plomb coûtera en revanche 44 DA le litre dès l'application des dispositions de la LFC 2020, contre 22,60 DA/l en 2015. La hausse la plus importante touchera les prix du gasoil, dont le litre passera à 26,63 DA cette année, contre 13,70 DA/litre en 2015. Les prix des quatre carburants devraient ainsi connaître une augmentation d'environ 100% par rapport à la tarification appliquée en 2015. Les prix d'accès à l'électricité et au gaz ont, eux aussi, connu des variations à la hausse durant la même période. Depuis 2015, la révision à la hausse des prix des produits énergétiques est devenue ainsi une des variables d'ajustement budgétaire. Cette augmentation — elle reste dans des proportions soutenables jusqu'ici — n'a rien d'une surprise compte tenu des montants injectés par l'Etat sous forme de soutien aux prix de l'électricité, du gaz et des carburants. Les subventions indirectes à l'énergie coûtent à l'Etat environ 15 milliards de dollars annuellement. Le dispositif des subventions généralisées pèse, en revanche, pour près d'un tiers dans le budget de l'Etat. L'estimation de cette facture n'a cessé d'augmenter d'année en année en raison de la hausse du nombre des secteurs et catégories socioprofessionnelles qui bénéficient de ce dispositif massif d'aide sociale. Le soutien aux prix des carburants est qualifié d'antiéconomique et d'antisocial par de nombreux économistes, tant il est vrai que cette subvention cible plutôt les ménages les plus aisés, non sans faire profiter les pays voisins à travers le trafic et la contrebande aux frontières. Selon des estimations du groupe Sonatrach, le vrai prix de l'essence serait de 110 DA, alors que le prix à la pompe est de 41 DA/litre actuellement pour le sans plomb. Cela dit, même si cette velléité de lever légèrement le pied sur le soutien aux prix des carburants pourrait se justifier, l'effet retour de manivelle sur les petites et moyennes bourses se révélerait violent. Le gouvernement semble avoir fait le choix de laisser l'inflation rebondir plutôt que de laisser les prix des carburants se maintenir à des niveaux si bas. L'impact de la révision de la tarification des carburants sur l'indice des prix est presque évident, puisque, faut-il le rappeler, le poste transports et communications pèse pour 16% dans l'indice des prix de l'Office national des statistiques. Plus globalement, le retour du levier budgétaire dans les politiques d'ajustement serait pertinent, à condition que le dosage soit bien réfléchi, de sorte à ce que le pouvoir d'achat des ménages ne soit pas fortement affecté. Outre le soutien aux prix des carburants, les subventions implicites profitant aux entreprises publiques, de surcroît mal gérées et budgétivores, constituent un poste de dépenses significatif grevant le budget de l'Etat. D'autres subventions injectées dans la stabilisation des prix de certains produits alimentaires posent décidément un problème de santé publique et peuvent être, de ce fait, raisonnablement diminuées sans toucher au pouvoir d'achat des ménages. Cette réforme pourrait aussi s'appliquer à la politique du logement social qui coûte à l'Etat plus de 4 milliards de dollars par an. Ces logements sociaux, objet de trafic et de détournement, finissent souvent par alimenter le marché spéculatif. Pour ainsi dire, ces fragments de refonte du dispositif des subventions généralisées, tel que rapporté dans le projet de LFC 2020, font l'impasse sur plusieurs postes de dépenses, ce qui empêche cette réforme d'être pleinement efficace.