Le retour des deux partis au-devant de la scène est perçu comme une volonté du pouvoir de reconstituer ses relais. Pendant qu'une bonne partie de l'Algérie est confinée en raison de la propagation de la Covid-19, les deux principaux partis de l'ancien système se sont permis des balades de santé. Le FLN et le RND ont plébiscité chacun un nouveau secrétaire général. Comme au bon vieux temps où les deux partis politiques ont régné en maître sur les institutions du pays, les réunions qui ont servi à désigner Tayeb Zitouni à la tête du RND et Baâdji Abou El-Fadhl comme secrétaire général du FLN n'ont pas dérogé aux règles et modes de désignation des responsables politiques du régime. Bien avant les réunions organiques, les deux "désignations" ont été réglées comme du papier à musique : les militants et cadres savaient à l'avance que les deux hommes avaient reçu l'onction des hautes autorités du pays. Inutile donc de faire de l'opposition. Si au RND, dont les militants sont habitués à une discipline quasi militaire, l'heureux élu n'avait rencontré aucune opposition, les cadres du FLN ont tenté de sortir de la ligne : Djamel Benhamouda l'a appris à ses dépens. Le militant a tenté de défier le candidat officiel. Il s'est fait taper sur les doigts. Et pour lui signifier qu'il avait commis un crime de lèse-majesté, il a été interdit d'accès à la salle des conférences. Mais au-delà du procédé d'élection des deux responsables, c'est surtout le profil des deux hommes qui interpelle. Baâdji Abou El-Fadhl et Tayeb Zitouni, tous deux quinquagénaires, sont deux figures du Bouteflikisme. À la seule différence que le tout nouveau secrétaire général du FLN n'était pas directement impliqué dans la gestion des affaires publiques. Abou El-Fadhl, avocat de profession, a occupé un temps le poste de chef de cabinet de l'ancien garde des Sceaux, Tayeb Belaïz. Pour le reste, l'enfant de M'sila a passé son temps à défendre les options du régime sur les plateaux de télévision. Il était proche notamment d'Amar Saâdani avant de tenter un rétropédalage après l'avènement du hirak, en démissionnant avec fracas du cabinet de l'ancien secrétaire général, Mohamed Djemaï. Cela n'est pas le cas de Tayeb Zitouni. Ancien délégué exécutif communal (DEC, des structures qui avaient remplacé dans les années 1990 les APC dissoutes), puis P/APC d'Alger-centre de 1997 à 2007, l'homme a grandi politiquement au RND. Nommé depuis quelques années comme P-DG de la Société nationale des foires et expositions, Safex, Tayeb Zitouni, originaire de Ksar Chellala, s'est un peu effacé de la scène. Il a constitué une opposition interne à l'ancien secrétaire général, Ahmed Ouyahia. Mais il n'avait jamais osé défier publiquement l'ex-homme fort du système. Sur le plan politique, le retour des deux partis sur le devant de la scène est perçu comme une volonté du pouvoir de reconstituer ses relais. "Le pouvoir ne peut pas s'en passer", résume le politologue Mohamed Hennad. Pour le professeur, qui donne comme preuve la tenue des deux rencontres politiques dans un palais public, "le pouvoir veut se reconstruire, se reconstituer. Il sait qu'il ne peut pas faire autrement que de compter sur ces deux partis qui ne sont, en réalité, pas de vrais partis au sens politique du terme. Car, si demain il y avait de vraies élections, les deux partis seraient laminés", poursuit le politologue qui insiste sur le fait que "ces deux partis veulent revenir au-devant de la scène parce qu'ils ne peuvent pas vivre en dehors du système". En plus de cette version, d'autres observateurs pensent que le pouvoir a plus que jamais besoin d'appuis politiques. "Le pouvoir cherche une solution pour s'en sortir", précise Smaïl Maâraf, enseignant universitaire. Pour lui, le pouvoir cherche à "créer une dynamique qui va lui permettre de se maintenir et barrer la route aux autres forces de la société et freiner la dynamique du hirak". Il reste maintenant aux deux formations à se confronter à la réalité du terrain, elles qui ont été particulièrement des cibles des manifestants du hirak. Mais cela sera un autre paire de manches. Ali Boukhlef