L'état de santé d'Abdellah Benaoum, blogueur et activiste politique de Relizane en détention, est critique. C'est ce que l'un de ses avocats, Me Mohamed Kerma, a confirmé hier à Liberté, en reprenant les propos de son mandant auquel il a rendu visite il y a quelques jours. "Il m'a indiqué avoir été conduit chez un cardiologue privé qui l'a informé de l'urgence d'une intervention chirurgicale pour un sérieux problème de cœur", nous a déclaré l'avocat extrêmement préoccupé par la santé de son client. Abdellah Benaoum, qui est en détention préventive depuis le 10 décembre 2019, doit répondre de plusieurs chefs d'accusation dont celui d'atteinte au moral de l'armée, grief qui lui vaudra d'être jugé par un tribunal criminel. "La chambre d'accusation de Relizane est la seule, sur l'ensemble du territoire national, à avoir retenu ce chef d'accusation contre des hirakistes interpellés dans le cadre de manifestations contre le pouvoir", a dénoncé Me Kerma en rappelant que trois autres personnes, à savoir Yacine Khaldi, Yacine Bounoua et Menad Larbi (tous arrêtés en novembre/décembre 2019) sont également poursuivis pour les mêmes motifs. "Nos demandes de liberté provisoire ont été rejetées et nous attendons l'enrôlement du procès". En attendant, l'état de santé du quinquagénaire Abdellah Benaoum suscite l'inquiétude des hirakistes et des défenseurs des droits de l'Homme qui, en plein confinement, ont dû recourir de nouveau aux réseaux sociaux pour lancer un appel à la libération du détenu. Une campagne intitulée "Sauvez Abdellah Benaoum", lancée avant-hier soir sur Twitter, a récolté quelques milliers de signatures, selon la tendance publiée par des internautes qui s'insurgent contre le traitement réservé à l'activiste et à l'ensemble des détenus du hirak. Ce n'est pas la première fois qu'Abdellah Benaoum fait face à des soucis judiciaires en raison de son activisme politique. En 2018, l'homme avait déjà été condamné à deux années de prison ferme pour outrage au président de la République déchu. Condamnation qu'il avait dénoncée par une série de grèves de la faim (l'une d'elles a duré presque trois mois) qui ont sérieusement entamé sa santé. À tel point qu'il a été remis en liberté sur demande de ses avocats, en juin 2019, quelques jours après le décès d'un autre détenu politique, Kamel-Eddine Fekhar. L'inquiétude autour d'Abdellah Benaoum intervient dans un contexte marqué par la poursuite de la campagne d'interpellations et de convocations de hirakistes à travers de nombreuses wilayas du pays. L'une des dernières arrestations en date est celle d'Issam Sayeh, hirakiste et ancien détenu de la wilaya de Tlemcen, interpellé samedi dernier dans la localité de Hennaya. à la surprise générale, le jeune homme a été jugé et condamné à 18 mois de prison au cours d'un procès qui s'est tenu sans avocats de la défense. "Il a eu le même traitement réservé à Bahlat Ilyes (hirakiste ayant écopé d'une année de prison ferme sans la présence d'avocat, en avril dernier à Aïn Türck, ndlr)", a dénoncé Me Kamel-Rachid Louh, défenseur d'Issam Sayeh, en assurant ignorer la nature des d'accusations pour lesquelles son client a été jugé. Issam Sayeh avait été, rappelons-le, condamné en février dernier à six mois de prison, dont un mois ferme, par le tribunal de Tlemcen en compagnie de cinq autres hirakistes dont Nour El-Houda Oggadi. Ils avaient été jugés pour attroupement non armé, incitation à attroupement et outrage et violences envers fonctionnaires des institutions de l'Etat. S. Ould Ali