Les Européens ont obtenu jeudi l'ouverture d'une enquête par l'Otan sur l'"agressivité" de la Turquie pour s'opposer aux contrôles de navires soupçonnés de violer l'embargo sur les armes imposé par l'ONU afin de mettre fin au conflit en Libye. Deux incidents au cours de tentatives de contrôle d'un cargo suspect en Méditerranée le 10 juin sont à l'origine de la plainte. A chaque fois, des navires de la marine turque qui l'escortaient se sont interposés. L'incident le plus sérieux s'est produit avec un navire français engagé dans une mission de l'Otan. Les bâtiments turcs ont menacé d'ouvrir le feu. Florence Parly, la ministre française des Armées, a porté l'affaire devant le conseil des ministres de la Défense de l'Otan mercredi et jeudi. Huit pays européens ont soutenu sa requête. Le secrétaire général de l'Otan, le Norvégien Jens Stoltenberg, a tenté de minimiser les incidents mercredi. Il a évoqué un "désaccord entre alliés" au cours de sa conférence de presse. Mais les Européens sont revenus à la charge le lendemain et il a dû annoncer l'ouverture d'une enquête afin de "faire toute la lumière sur ce qui s'est passé". Le Norvégien a également rappelé l'engagement des membres de l'Otan à respecter l'embargo de l'ONU. Ankara soutient militairement le Gouvernement d'union libyen (GNA) de Fayez al-Sarraj, reconnu par les Nations unies, face aux forces du maréchal Khalifa Haftar soutenu notamment par la Russie, l'Egypte et les Emirats arabes unis. "Cette affaire est à nos yeux très grave (...). On ne peut pas accepter qu'un allié se comporte comme cela, fasse cela contre un navire de l'Otan sous commandement Otan menant une mission Otan", a dénoncé Paris. Mais la Turquie a rejeté jeudi les accusations "infondées" et un haut responsable militaire turc a accusé le navire français d'avoir effectué une "manœuvre à grande vitesse et dangereuse". Ankara s'oppose à toute coopération entre les opérations Irini et Sea Guardian et bloque les plans de défense pour la Pologne et les pays baltes en cas d'agression russe. Mais la Turquie est "protégée" au sein de l'Alliance en raison de sa position stratégique et "il est difficile de parler contre elle", dénoncent plusieurs pays européens. "Les Américains regardent ailleurs et considèrent que le conflit en Libye est un problème européen", a confié le représentant d'un pays européen. La ligne soutenue par de nombreux alliés est : "il faut garder la Turquie au sein de l'Alliance". Mais les incidents se multiplient et l'ambiance est à l'orage depuis la charge du président français fin 2019. Emmanuel Macron avait alors jugé l'Otan en état de "mort cérébrale" après l'offensive lancée par le président turc dans le nord-est de la Syrie sans aucune concertation avec les alliés, mais avec l'assentiment du président américain. Les relations ne sont pas améliorées depuis.