Le procureur de la République a requis dix ans de prison contre Hadjar Bouziane et son époux Ahmed Haddouche, jugés mercredi dernier au tribunal correctionnel de Cité Djamel pour escroquerie, émission de chèques sans provision et blanchiment de capitaux dans le cadre d'une vaste escroquerie qui a fait plus de 500 victimes, selon les faits portés dans le dossier d'accusation. Le magistrat a également demandé une année de prison ferme à l'encontre des dix autres accusés — qui ont comparu libres — pour complicité. Les avocats qui se sont succédé au prétoire en fin de journée ont tous plaidé la relaxe pour leurs mandants, y compris ceux des deux principaux accusés, estimant que l'accusation n'a pas apporté d'éléments de preuves probants démontrant l'intention criminelle de Hadjar Bouziane, directrice commerciale en détention depuis avril 2019, et son époux (en fuite) et directeur de la société immobilière. Plus tôt dans la journée, plus de 500 plaignants ont défilé devant le juge pour déposer leurs demandes de dédommagement pour ce qu'ils considèrent comme "un crime" qui leur a valu de perdre, pour certains, des milliards de centimes. Mais beaucoup ont regretté de ne pas avoir pu s'exprimer à la barre. "Nous attendons depuis plus d'une année de pouvoir parler, dire notre douleur. Et là, on nous autorise seulement à formuler notre demande de dédommagement. Je suis vraiment déçu", a déclaré une des victimes présumées. Les restrictions imposées par le ministère de la Justice pour lutter contre la pandémie de coronavirus, les conditions de déroulement d'une audience en visioconférence, le nombre impressionnant de plaignants, les différents reports d'audience ont conféré à ce procès un cachet particulier que beaucoup ont déploré. Empêchées de s'exprimer à la barre, les victimes présumées n'ont pas été autorisées à assister à l'audience, ce qui a ajouté à la colère de la frustration. "Ils auraient pu prévoir une ou des journées pour ce procès. Cette affaire est énorme, il y a beaucoup de victimes, beaucoup d'argent, certaines sont tombées malades. Nous espérons récupérer notre investissement", a souhaité une autre victime.Rappelons que les faits de cette affaire remontent au printemps 2019 lorsque des citoyens se sont présentés devant le procureur de la République du tribunal d'Oran pour porter plainte contre la Sarl Haddouche Promotion pour escroquerie immobilière. L'enquête diligentée permet d'établir que depuis 2013, la société en question propose la vente sur plan d'appartements, de villas et de locaux commerciaux à Oran et annonce la construction de résidences dans d'autres wilayas de l'Ouest. Queen House, Les Palmiers, Rayane, Malek, Instapparts, Andalous..., soit une vingtaine de projets de logements haut de gamme devant être réceptionnés et livrés dans des délais raisonnables, qui suscitent l'intérêt de centaines de clients qui investissent dans ces projets. Quelque temps après, des réservataires constatent des retards dans la réalisation des projets, d'autres que leurs logements ont été revendus à des tierces personnes. Flairant l'arnaque, imperméables aux assurances des dirigeants de la Sarl Haddouche Promotion, les réservataires décident de tout annuler et demandent la restitution de leur argent. Quelques-uns réussissent à obtenir 100 000 DA comme gage de bonne foi pour la restitution du reste de l'argent mais la plupart se heurtent au refus de la société dont le premier responsable, Ahmed Haddouche, disparaît dans la nature. Une instruction est alors ouverte contre les époux Haddouche et le magistrat instructeur ordonne le placement sous mandat de dépôt de la directrice commerciale et l'émission d'un mandat d'arrêt contre le patron de la société. À l'issue de l'instruction, les époux Haddouche sont inculpés d'escroquerie, d'émission de chèques sans provision et de blanchiment de capitaux. Dix employés de la société, poursuivis pour complicité et escroquerie, sont laissés en liberté. Lors du procès, Hadjar Bouziane et le reste des accusés ont tous plaidé non coupables, la directrice commerciale affirmant que la société avait les moyens de rembourser les réservataires mécontents. Le verdict est mis en délibéré pour le 21 juillet prochain. S. Ould Ali