Le procès Tahkout s'est achevé tard avant-hier, avec le dernier mot accordé au principal accusé poursuivi avec ses trois frères et son fils pour corruption et perception d'indus avantages accordés par d'ex-fonctionnaires de l'Etat dans le cadre de l'assemblage automobile, des œuvres universitaires, du transport urbain et suburbain. Mahieddine Tahkout a soutenu "que la famille Tahkout est une famille de martyrs et qu'il n'avait pas trahi le pays ni transféré de l'argent à l'étranger, bien au contraire, il fait des investissements qui ont créé beaucoup d'emplois". Durant les trois premiers jours d'audition des 66 accusés, le magistrat a tenté de comprendre comment l'ancien commerçant dans les années 1990 a pu cumuler une fortune aussi colossale. Une concession automobile, des usines de pièces de rechange et de fabrication de sièges auto, une usine d'assemblage de véhicules à Tiaret, des parts dans une chaîne de télévision privée, quatre appartements à l'étranger dont trois à Nice et un à Nîmes, ainsi qu'une flotte de plus de 3 500 bus qu'il louait à l'Etat pour 16 000 DA la journée, apprend-on à l'audience. Et la liste est loin d'être exhaustive, jusqu'à causer, selon l'acte d'accusation, un préjudice de 309 milliards de dinars et 1,2 de milliard de dollars de transfert à l'étranger. La rumeur le disait associé avec l'ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia. Ce qui a été démenti pendant le procès. Ahmed Ouyahia n'a d'ailleurs pas comparu devant le juge pour un tel reproche, mais pour des soupçons d'indus avantages accordés à Tahkout dans le cadre du dossier de montage automobile et pour blanchiment d'argent. Ouyahia n'a pas souhaité "pour des raisons d'Etat", affirme-t-il, s'étaler sur les multiples mouvements, entre 5 et 70 millions de dinars, effectués sur son compte bancaire entre 2014 et 2018, expliquant que c'est à cause de son cancer qu'il a oublié de mentionner ce compte dans sa déclaration de patrimoine. Mahieddine Tahkout a même accusé l'ancien Premier ministre et l'ex-ministre de l'Industrie Youcef Yousfi d'avoir bloqué son projet Suzuki, réclamant un dédommagement de 500 millions de dinars. Il a aussi nié avoir contracté des crédits bancaires de l'ordre de 27 000 milliards de centimes, soutenant que tous ses investissements l'ont été sur fonds propres. Il a même défié le magistrat de lui montrer des documents qui prouvent le contraire, précisant que le marché décroché auprès de l'Etusa a permis à cette dernière d'économiser 200 milliards de centimes et au Trésor public 20 milliards de centimes. Et d'ajouter que l'entreprise publique lui doit 157 milliards de centimes à ce jour. Sa défense a, en outre, présenté, lundi dernier en fin de journée, une douzaine de documents prouvant que la transaction de location de ses bus a été conclue dans le respect de la réglementation. Les avocats des différents accusés ont demandé la relaxe, estimant que le réquisitoire du parquet est en contradiction avec "l'absence de preuves dans le dossier judiciaire et les révélations durant l'audience". Le représentant du ministère public avait, en effet, requis, au troisième jour du procès, une peine de 16 ans de prison pour le patron de Cima Motors, Mahieddine Tahkout, et 8 millions de dinars d'amende, 10 ans contre son fils Bilal, 12 ans et 8 millions de dinars d'amende contre son frère Rachid, 8 ans de prison et 5 millions de dinars d'amende contre Hamid Tahkout, 3 ans de prison contre le troisième frère, Nacer. Ces peines sont assorties de la saisie des biens de la famille acquis dans le cadre des transactions incriminées. Le procureur de la République a, en outre, demandé 32 millions de dinars d'amende pour les personnes morales. Le parquet a réclamé 15 ans de prison ferme et 8 millions de dinars d'amende, ainsi que la confiscation des biens des anciens Premiers ministres Abdelmalek Sellal et Ahmed Ouyahia, 10 ans de prison ferme et 2 millions de dinars d'amende contre les ex-ministres Amar Ghoul (Travaux publics), Youcef Yousfi (Energie et Industrie) et Abdelghani Zaâlane (Travaux publics et Transports) et 20 ans de prison ferme contre l'ex-ministre de l'Industrie Abdeslam Bouchouareb avec la saisie de ses propriétés et le lancement d'un mandat d'arrêt international à son encontre. Nissa H.