Le cœur dans les oliviers, la tête dans la transformation, cet oléiculteur, par conversion, qui a abandonné le papier et l'encre, croit dur comme fer que le génie algérien peut réaliser des miracles grâce à la terre. Infatigable et convaincu que l'avenir est dans l'agriculture, Hakim a réalisé son rêve : cueillir le fruit de ce qu'il a semé de ses propres mains. Portrait. "Si tu ne nourris pas la terre, elle ne te nourrira pas." Cette devise, Hakim Alilèche en fait son leitmotiv depuis quinze ans. L'olivier dans le sang, Hakim quitte le domaine de l'imprimerie, à l'âge de 32 ans, pour, dit-il, "vivre dans les espaces" et "faire vivre la terre". De cette conversion de métier, Hakim en fait son challenge, lui qui "respire" la terre. Originaire des Ouadhias, dans la wilaya de Tizi Ouzou, il a toujours cultivé ce rêve de semer et de cueillir. Quinze ans après avoir débarqué à Djelfa, Hakim perce les secrets des oliveraies et de l'oléiculture. Son huile "Dahbia" a même décroché, en juillet dernier, la médaille d'argent au concours national de la meilleure huile d'olive vierge extra "Apulée-2020", une compétition organisée par l'Inraa (Institut national de recherche agronomique d'Algérie) et Sam-Global. Comment Hakim a pu réussir dans ce domaine autrefois réservé aux seuls agriculteurs aguerris aux sentiers battus ? Comment cet oléiculteur novice a-t-il pu transcender tous les aléas de ce métier, avec tous les risques qu'il encourait ? En 2005, il décide de quitter Alger pour aller dans les Hauts-Plateaux. Ce qui n'était, au départ, qu'une simple prospection devient vite, pour lui, un désir de s'y installer. C'est alors qu'il choisit la localité de Benhar, à quelques kilomètres de Berine, dans la wilaya de Djelfa. "Le terrain m'a vite captivé ! Il est vrai que l'investissement n'est pas un conte de fées. C'est un placement très lourd consenti avec mes propres fonds. C'est alors que j'ai acheté un terrain de 40 hectares. Ensuite, j'ai pu obtenir deux subventions pour accélérer la cadence", raconte Hakim, qui se souvient de ses premiers pas dans l'oléiculture. Dès son lancement dans ce projet, il plante 3 000 oliviers. Les choses vont bon train et tout baigne "dans l'huile" pour Hakim qui s'investit corps et âme dans son nouveau métier. "Vous savez, j'aime la terre. Et elle me l'a si bien rendu. Aujourd'hui, j'ai 3 enfants et 15 000 oliviers que je connais parfaitement. Je ne vous cache pas, les débuts ont été très difficiles pour moi. Je faisais des allers-retours entre Alger et Djelfa pour peaufiner le projet et régler les détails les plus infimes liés à la logistique et à la ressource humaine. Mais une fois installé, j'ai réalisé que j'avais bâti un petit paradis", confie cet oléiculteur qui met en relief les qualités de son huile. Quand il a reçu la médaille de l'Inraa et de Sam-Global, il observait avec assurance les membres du jury composé d'experts algériens, marocains, tunisiens, espagnols, français et italiens qui ont élu "Dahbia" dans la catégorie des huiles "fruitées vert intense", soit la plus prestigieuse des huiles vierges extraites à froid. Une heureuse surprise. Cette distinction lui vaudra une réputation à l'international. Hakim n'en revient pas. Et pour cause, mardi dernier, il a été contacté, depuis les Etats-Unis d'Amérique et d'Allemagne, par deux labels pour nouer des partenariats dans le domaine des produits finis bios et mondialement certifiés. "J'ai engagé des pourparlers très fructueux. Car, outre le marché local, j'ambitionne, à court terme, de passer à la phase de l'exportation, d'autant que les 15 000 pieds sont tous productifs. Autre atout de l'huile Dahbia, elle est triturée par nos propres soins grâce à une huilerie acquise en Toscane, en Italie. Grâce aux technologies intégrées dans le processus de production, notre huile passe par une trituration Premium", précise Hakim qui révèle que son ambition, à moyen terme, est de passer à 500 000 oliviers. En phase d'exploration de terres arables, il décide déjà d'équiper l'ensemble de son exploitation d'autres technologies, dont le GPS. Aujourd'hui, "la firme" Dahbia représente un volume de production annuel de 2 000 quintaux, soit l'équivalent de 40 000 litres d'huile après trituration en culture bio. De la trituration à la transformation "Nous faisons tout pour que notre production soit à 100% bio. Nous n'avons jamais utilisé d'engrais chimiques, de fertilisants, d'insecticides ou autres produits qui pourraient détériorer la terre et les oliviers. Je compte, très prochainement, demander une subvention pour renouveler le système d'irrigation goutte-à-goutte, vieux de 10 ans. Après, la terre s'entretient. L'olivier aussi. Le retour sur investissement dépend de sa disponibilité et de son attachement à la terre. En plus d'un métier, c'est un amour. Ma conviction est que tout ce que nous mangeons vient de la terre", développe notre interlocuteur qui ambitionne de lancer, très prochainement, un projet de grande envergure. Ayant acquis une assiette de terrain avec ses propres fonds à la zone industrielle d'Aïn Ouessara (Djelfa), Hakim projette de mettre en valeur tous les produits agricoles, en absorbant les excédents de fruits et légumes. Avec des lignes dédiées à la transformation, ce projet consiste également dans le stockage, l'emballage, l'étiquetage et le palettissage des produits destinés aux grandes surfaces à l'échelle nationale et à l'exportation. Il révélera qu'une autre ligne sera dédiée exclusivement à la surgélation sur azote liquide pour préparer des produits bios stérilisés prêts à la consommation. "Il y aura plusieurs lignes dans cette unité de transformation, y compris la conservation en semi-industriel pour offrir des produits frais sans composants chimiques ajoutés", explique-t-il, précisant que son projet est à un taux d'avancement de 50%. "Il reste à acquérir les équipements. Cela dit, je compte beaucoup sur un accompagnement financier. C'est un projet hautement rentable et à forte valeur ajoutée. Selon notre étude du marché, nous pourrons rembourser le crédit en moins de cinq ans. C'est une première dans la wilaya de Djelfa", indique-t-il, affirmant que cette unité accueillera également une ligne pour fabriquer les plateaux (les caisses) en carton dur pour les fruits et légumes. Ces derniers seront dédiés aux grandes surfaces, à l'exportation et à la sous-traitance avec les agriculteurs. "Ce sont des lignes qui travailleront jour et nuit. Je suis très optimiste, d'autant que les dernières orientations du gouvernement encouragent ce genre d'activités, comme la transformation", ajoute Hakim qui, convaincu de son aventure, croit réaliser ses objectifs dans les délais impartis.