Le décret 97/04, promulgué en 1997 pour encadrer le travail des Patriotes, ne fixe pas de délai au démantèlement de leurs groupes. Il fut une époque où les Patriotes étaient hissés au rang de héros. Leur témérité et leur sens du devoir suscitaient des vocations chez les jeunes. Si bien que leur nombre s'est démultiplié. En 1997, les effectifs étaient estimés à quelque 150 000 hommes sur le territoire national. Ce sont, en tout cas, les estimations colportées çà et là au sein de l'armée. Car, officiellement, aucune statistique les concernant n'est rendue publique à ce jour. En 1998, alors qu'il était déjà Chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia s'était contenté d'annoncer l'existence de 5 000 groupes d'autodéfense, promettant que ce chiffre allait croître. Or, depuis, force est de constater que la courbe est plutôt descendante. L'arrivée de Abdelaziz Bouteflika au pouvoir, en 1999, marquait la fin de l'ère de gloire des Patriotes. La politique de réconciliation prônée par le chef de l'Etat faisait d'eux des individus incommodants. Pourtant, sur le terrain, bon nombre continue encore à braver la mort au cours d'embuscades avec les militaires. Mais, à l'évidence, ils sont en train de tirer leurs dernières cartouches avant de rendre définitivement leurs armes à l'ANP. Il y a une année, le ministre de l'Intérieur, Nouredinne Yazid Zerhouni, révélait que l'Etat allait récupérer 80 000 armes. Très souvent, des motifs grotesques sont avancés par les officiers des secteurs militaires pour reprendre kalachnikovs, seminovs ou autres fusils à pompe des mains des Patriotes. Quelquefois, certains responsables ne s'encombrent guère de justificatifs. Ils agissent en conformité avec les ordres donnés, mais en l'absence d'une décision claire. Décidé, enfin, à donner un caractère solennel à la décision de l'Etat de désarmer les Patriotes, Ahmed Ouyahia a annoncé, ces derniers jours, que prochainement, il sera procédé à la suppression de leur corps. Le gouvernement devra assurer, néanmoins, leur conversion professionnelle. Cependant, ni cette dissolution ni la transmutation envisagée sont prévues dans la loi régissant le corps en question. En janvier 1997, soit trois ans après la naissance des premiers groupes de Patriotes, un décret exécutif (97/04) était promulgué. Fixant le cadre de travail de ce qu'il a identifié comme des “groupes d'autodéfense”, il stipulait clairement que l'engagement des citoyens ayant pris les armes était à titre “volontaire”. Cependant, une prime leur est accordée. La raison pour l'octroi de cette indemnité est que la plupart, les jeunes notamment, ont abandonné leur emploi pour participer à la traque des terroristes. Sans nul espoir de réintégrer leurs postes, des Patriotes aujourd'hui se retrouvent sans le sou. Les rares encore opérationnels se plaignent du montant dérisoire de la solde. À sa propre initiative, l'armée a procédé à des augmentations. Le dernier relèvement, datant de quelques années, porte la valeur de l'appointement à 11 000 dinars. Ce qui reste très minime. Elaboré surtout pour légitimer les actions des Patriotes et faire taire les critiques des ONG internationales les assimilant à des milices, le décret de 1997 a négligé le sort des concernés. Ne fixant pas de délai pour le démantèlement des groupes et ne prévoyant pas d'alternative pour leurs membres, la loi a péché par opportunisme. Gorgée de lacunes, elle a donné du blé à moudre à des organisations comme Amnesty International et la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH). Déjà très sceptiques quant au rôle des Patriotes dans la lutte contre le terrorisme et faisant état de dépassements et de règlements de compte, elles ont dénoncé l'absence de dispositions dans le décret fixant des critères au recrutement et faisant obligation à l'armée de former les Patriotes avant de les envoyer sur le terrain. L'inexistence d'un code de conduite, dans le respect des droits de l'Homme, figure également parmi leurs réserves. En 1998, l'implication de Hadj Fergane, chef Patriote à Djediouia (Relizane), dans une expédition punitive contre des villageois avait inspiré des critiques plus virulentes de AI and co. Ayant entamé la réputation des Patriotes, cette sombre affaire avait poussé le panel des experts de l'Onu à les inclure dans son audit. Durant l'été 1998, le groupe, conduit par le Portugais Mario Soares, se rendait à Igoujdal. Les anciens maquisards de ce village sont célèbres pour avoir été les premiers à prendre les armes en 1994. D'autres groupes se constitueront, par la suite, dans l'Ouarsenis, La Mitidja et à Palestro, dont le plus grand, dirigé par Zidane El-Mekhfi, comportait plus de 3 000 hommes. S. L.