Résumé : Le silence est pesant dans le salon. Bryan, souriant, tend la main vers Nedjma qui doit se forcer pour la saisir. Elle est terriblement déçue. Elle s'attendait à ce que l'ami ait l'âge de son fils, mais il a plus de quarante ans. Elle ne comprend pas ce qu'ils font ensemble. Rédha lui explique que c'est son ami et qu'il a été là dans les moments durs. L'arrivée de Samra les interrompt. Elle est heureuse de le revoir après tout ce temps... - Yemma, je ne te comprends pas, dit Samra à sa mère, alors qu'elles sont en train de laver la vaisselle utilisée au dîner. Son ami a l'air de quelqu'un de bien. C'est normal que mon frère soit très attaché à lui. Je craignais la réaction de Hacène du fait qu'un étranger reste avec nous pendant quelques semaines. Mais, comme tu le vois, il s'est bien entendu avec lui et il a l'air conquis par Rédha et son ami. Tu te fais du souci pour rien. De nos jours, c'est normal que des hommes cohabitent ensemble pour économiser sur la location et les autres factures. C'est plus facile quand on partage à deux ou par trois. Même les femmes le font et appliquent le même système. Même ici les jeunes qui travaillent loin de leurs familles procèdent à la colocation. - Je ne sais pas ce qui me chiffonne dans tout cela. S'il avait pris un appartement avec d'autres jeunes, je l'aurais mieux accepté. Celui-là... Tu as vu, il a plus de quarante ans. - Et alors ? Dis-moi, ça n'existe pas des célibataires endurcis chez nous ? - Ici, c'est différent. Il y a le chômage, la crise du logement, lui rappelle Nedjma. Si moi, j'ai un seul fils à marier, d'autres en ont plusieurs. Parfois, ce sont trois ou quatre familles qui vivent dans un même appartement. La situation des jeunes de notre pays est dramatique. - C'est pourquoi les jeunes tentent à tout prix de partir d'ici et d'avoir une vie digne de ce nom, même à des milliers de kilomètres. - Mais il peut rester ici. Il héritera de l'appartement. Moi, j'ignore combien de temps il me reste à vivre, dit Nedjma. Il peut faire sa vie ici et vivre dignement entouré de sa famille. - Tu ne peux pas aller contre sa volonté. Et toi, mazel el baraka ! Nedjma soupire. Samra ne peut pas la comprendre. Dès qu'elle a vu Bryan, homme mûr et autoritaire derrière son sourire, elle ignore pourquoi mais elle a été prise d'un sentiment d'aversion. Rédha n'avait pas connu son père décédé alors qu'il n'était qu'un bébé. Il n'a pas grandi entouré des cousins ou des oncles qui l'auraient inspiré. Ces derniers habitent loin et leurs visites étaient courtes. Elle ne veut pas que ce Bryan soit un modèle pour lui. - Va savoir quelle vie il mène, ce Bryan ! insiste Nedjma. Avant que ton frère vive avec lui, il n'avait pas de femme ou de famille ? - Ecoute, tu poses trop de questions. C'est un célibataire endurci. Apparemment, il est très instruit et très posé. C'est aussi un homme libre, dans un pays libre. Il n'est pas obligé d'obéir à la famille et n'a pas besoin de se marier uniquement pour complaire à la société, lui fait remarquer Samra. Je pense que c'est quelqu'un de bien. Regarde Rédha. Il va bien, il travaille. Il ne s'est pas perdu dans les mauvaises fréquentations. Il n'a pas cédé aux tentations. Yemma, tu te rappelles qu'il est parti très jeune. Alors qu'on n'a pas d'attaches familiales là-bas. Il aurait pu devenir ivrogne ou même drogué. Sois reconnaissante envers son ami. - S'il n'a pas dévié du bon chemin, rétorque Nedjma, c'est parce qu'il a reçu une bonne éducation. - Oh là là ! Ce que tu peux être stricte parfois ! Je te trouve un peu trop sévère ces jours-ci, remarque Samra. Qu'est-ce qui te met dans cet état ? - Rien. Je ne suis pas née de la dernière pluie. Il ne la fera pas. Ce Brrr, il est faux. Mon sixième sens est en alerte depuis son arrivée. - Alerte Tsunami Nedjma ! plaisante Samra, avant de redevenir sérieuse. Franchement, yemma, tu exagères. Laisse-les passer leurs vacances tranquilles. Ne te mets pas à dos Rédha. Comme tu le sais, en vivant à l'étranger, les gens changent. El ghorba waara ! S'il a tenu à amener son ami ici, c'est aussi pour lui montrer qu'on est un peuple ouvert, éduqué, bienveillant et surtout chaleureux. Oublie ton antipathie pour lui et fais plaisir à Rédha... (À SUIVRE) T. M. [email protected] Vos réactions et vos témoignages sont les bienvenus.