La poursuite hier des débats dans le cadre du procès de la famille Kouninef a mis en lumière les nombreuses facilités octroyées au groupe éponyme dans l'accès à la commande publique et aux crédits bancaires. C'est hier que la juge du tribunal de Sidi M'hamed a décidé de clôturer les auditions pour donner la parole au représentant du ministère public avant d'ouvrir les plaidoiries. Ainsi, le procureur de la République a requis 18 ans de réclusion contre Réda Kouninef, l'aîné de la fratrie. Cette peine demandée est assortie de 8 millions de dinars d'amende, de la saisie de tous les biens à l'intérieur comme à l'extérieur du pays et d'une période de sûreté maximale. Le représentant du ministère public a requis contre Tarek-Noah 15 ans de prison ferme assortie de 8 millions de dinars d'amende avec une période de sûreté maximale et la saisie des biens à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Le procureur a demandé la même peine contre Karim Kouninef et 8 millions de dinars d'amende. 20 ans de prison ferme avec émission d'un mandat d'arrêt international ont été requis contre Souad Kouninef, actuellement en fuite à l'étranger. Contre Kaddour Ben Tahar, gérant de KouGC, le procureur a requis 10 ans d'emprisonnement ferme assorti de 10 millions de dinars d'amende. Le procureur a demandé des peines maximales contre les 41 personnes morales et 3 ans de prison ferme assortie de 100 000 DA d'amende contre El-Hadj Belkhettab, ancien secrétaire général du ministère des Ressources en eau. 3 ans de prison ferme ont été également requis contre Bouab Abdesselam, directeur du port de Jijel (Djendjen). La même peine a été requise contre Kerrah Abdelaziz, directeur du port d'Alger. Des peines allant de 3 à 5 de prison ferme ont été requises contre plusieurs autres cadres, essentiellement des cadres des ministères de l'Industrie, de l'Agriculture, de l'Hydraulique, de l'Energie et des Télécommunications, ainsi que d'autres secteurs où le groupe KouGC a obtenu des marchés. Pression sur les témoins Après les auditions des principaux accusés qui ne répondaient que très vaguement aux questions de la juge, un témoin a fait de graves révélations quant aux "irrégularités" qui ont entaché les contrats du groupe KouGC avec la Sonelgaz. Il s'agit de Chikhaoui Mohamed, ancien directeur de la Compagnie de l'engineering de l'électricité et du gaz (CEEG-Spa). Face à la juge, M. Chikhaoui a décidé de tout déballer. Il a pris pour exemple les 7 contrats signés par le groupe KouGC avec Sonelgaz. La plupart de ces contrats ont été conclus de gré à gré. Il s'agissait de contrats d'installation de pylônes électriques, de transformateurs... Il a mis l'accent sur le projet Merouana-Batna-Oum El-Bouaghi-Aïn El-Beïdha, celui de Bouira-El-Kseur-Tizi Ouzou, ainsi qu'un autre réalisé dans la wilaya de Jijel. "Il y avai t deux sommes d'argent que la société nationale devait débourser dans la réalisation de deux projets. Il s'agit d'un premier montant de 135 millions de dinars et d'un second d'une valeur de 140 millions de dinars, sauf que les attachements qui ont permis au groupe de récupérer ces sommes n'ont pas été signés par le représentant de Sonelgaz", a-t-il révélé. Il a ajouté qu'"en 2016, la commission des marchés a refusé de signer les avenants, sauf que l'ancien directeur de la Compagnie de l'engineering de l'électricité et du gaz a dissous cette commission pour en mettre sur pied une autre". "Une fois cette nouvelle commission des marchés mise sur pied, elle avait émis des réserves". M. Chikhaoui a déclaré que c'était "un directeur des lignes qui a attesté devant la commission que les travaux avaient été achevés par KouGC". Cela alors que la loi ne prévoit pas "une attestation" d'un directeur sur la réalisation de projets. Le témoin a ajouté qu'"une seconde réunion de la commission a maintenu les réserves avant que le directeur de l'engineering de l'électricité et du gaz n'ordonne, par écrit, le paiement de l'avenant". L'ancien directeur de la Compagnie de l'engineering de l'électricité et du gaz n'était autre que Mohamed Arkab, ancien P-DG de Sonelgaz, avant de devenir ministre de l'Energie. M. Chikhaoui a, par ailleurs, ajouté que les projets obtenus par KouGC par soumission aux avis d'appel d'offres ont été également entachés d'irrégularités. Il a révélé à ce propos que KouGC a obtenu un marché "parce qu'il était le moins-disant", mais en associant l'entreprise Sécure pour sécuriser les installations. "Le montant déboursé ne fait pas de KouGC le moins-disant parce que l'entreprise Sécure appartient à KouGC." Les révélations faites par Mohamed Chikhaoui n'ont pas laissé indifférents les avocats de la défense qui ont tenté de le "déstabiliser" à travers leurs questions. La juge a rappelé à l'adresse des avocats que "les témoins sont sous la protection de la justice" et que le témoin présent "est libre de maintenir ses propos ou de les changer". Pour les avocats de la défense, le concerné "s'est rendu volontairement à la justice pour dénoncer ces faits". Un procédé qu'ils disent contre la réglementation. À noter que plusieurs cadres de KouGC ont été auditionnés, hier. Kassehi Abdennour, directeur de Nutris, propriétaire de l'usine de trituration de graines oléagineuses au port de Jijel, a révélé que le prêt obtenu par l'entreprise était de 20 milliards de dinars et que les travaux sont actuellement à quelque 72% d'avancement. M. Kassehi a souligné que parmi les garanties présentées par le groupe pour l'obtention du prêt figurent "des assiettes foncières" obtenues "comme concessions". Certaines entreprises du groupe n'ont aucune activité économique La poursuite des auditions des responsables des entreprises du groupe a révélé que certaines entreprises "ne connaissent aucune activité économique". De l'aveu même de leurs gérants anciens ou ceux désignés par l'administration, ces derniers ont avoué que des entreprises comme Trax, Mobilink ou bien Hydro-construction Company "n'ont aucune activité économique". Pourtant, des prêts ont été obtenus au nom de ces mêmes entreprises. Slimani Moussa et Aboura Sihem n'ont pu répondre aux questions de la juge concernant les activités des entreprises. Selon les avocats de la défense, le dossier contient beaucoup d'irrégularités. Ils citent, en exemple, "des sociétés inexistantes que la juge désigne comme personnes morales". Ils ont également dénoncé "le non-respect des formes et des procédures". Me Smaïn Chamma a expliqué ce procès "est un coup dur pou r l'acte d'investir et la relance économique". La défense craint "une condamnation de toutes les entreprises du groupe sans être représentées". À noter que pour la partie civile représentée par le Trésor public, "le groupe KouGC, à travers ses filiales, a causé au Trésor public des pertes estimées à plus de 260 milliards de dinars, dont 186 milliards de dinars dus aux crédits injustifiés octroyés au groupe par des banques publiques, et 75 milliards de dinars aux indus privilèges obtenus par le même groupe". Les avocats de la défense ont débuté leurs plaidoiries, hier, en fin de journée. Le procès se poursuit aujourd'hui.