La médiation ouest-africaine a conditionné la levée de ses sanctions contre Bamako, où un gouvernement de transition vient d'être annoncé, formé en partie par des militaires nommés à des postes-clés. La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a annoncé hier la levée des sanctions imposées au Mali, au lendemain du putsch qui a renversé le 18 août dernier l'ancien président Ibrahim Boubacar Keïta, après l'annonce par Bamako lundi soir du gouvernement de transition, lit-on dans un communiqué de la médiation ouest-africaine. "Prenant en compte ces avancées notables vers la normalisation constitutionnelle et pour soutenir ce processus, les chefs d'Etat et de gouvernement décident de la levée des sanctions sur le Mali", lit-on dans de ce communiqué, qui fait référence à l'engagement des militaires à remettre le pouvoir aux civils dans les meilleurs délais, en formant entre autres un gouvernement de transition inclusif. La Cédéao demande par ailleurs "aux nouvelles autorités de la transition de mettre en œuvre rapidement les autres décisions du Sommet (du 15 septembre à Accra, au Ghana, ndlr), en particulier la libération de tous les officiels militaires et civiles arrêtés depuis le 18 août 2020 et la dissolution du CNSP (Conseil national pour le salut du peuple, militaires putschistes)", ajoute le communiqué de la médiation ouest-africaine. Pour rappel, la Cédéao a imposé un embargo aérien et commercial sur le Mali, le 20 août, et gelé l'adhésion de Bamako à cette organisation, jusqu'au rétablissement de l'ordre constitutionnel. Le CNSP, à sa tête le colonel Assimi Goïta, a mené d'âpres négociations et a fini par s'engager à assurer un processus de transition pour une période ne dépassant pas les 18 mois, avec en prime la mise en place de nouvelles autorités civiles. Mais à regarder de près la composante du gouvernement de la transition, les militaires du CNSP y figurent et occupent même des postes-clés au sein de cet exécutif dirigé par Moctar Ouane. Certes, le CNSP, dont le chef occupe le poste de vice-président, a renoncé à l'idée de présider la transition en cas de décès du président Bah N'Daw (un colonel à la retraite), mais il hérite de quatre portefeuilles ministériels. Le colonel Sadio Camara, un des dirigeants de la junte, a été nommé ministre de la Défense. Il a notamment été directeur du Prytanée militaire de Kati, en périphérie de Bamako, où est situé le camp militaire d'où est parti le coup d'Etat. Un autre chef de la junte, le colonel Modibo Koné, décroche le ministère de la Sécurité et de la Protection civile. Le porte-parole de la junte, le colonel-major Ismaël Wagué, qui avait annoncé en pleine nuit à la télévision la prise du pouvoir par l'armée, obtient le portefeuille de la Réconciliation nationale. Un autre militaire, le colonel Abdoulaye Maïga, prend la tête de l'Administration territoriale. Cela ne devrait toutefois pas empêcher la mise en œuvre du processus de transition. Par ailleurs, l'ancien procureur Mohamed Sidda Dicko est nommé à la Justice et l'ancien ambassadeur Zeïni Moulaye aux Affaires étrangères. Les groupes signataires de l'accord de paix de 2015 sont également représentés dans ce gouvernement de transition. L'ex-rébellion à dominante touareg du Nord s'adjuge l'Agriculture et la Pêche, ainsi que la Jeunesse et les Sports, et les groupes armés pro-Bamako les ministères de l'Extérieur et du Travail, et la fonction de porte-parole du gouvernement. Le mouvement du 5 Juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), à l'origine de la contestation contre IBK, devra se contenter de trois maroquins. Comme premier pas, le Mali enregistre une importante avancée, mais ce nouveau gouvernement devrait à la fois mener le processus de transition et gérer un pays en pleine déconfiture socioéconomique. Ceci sans oublier le défi sécuritaire qu'il devrait relever contre les groupes terroristes dans le centre et le nord du pays. Lyès Menacer