La durée de la transition mais également ceux parmi les civils et les militaires qui devraient la conduire restent les principaux points clivants entre militaires et responsables maliens, et la communauté internationale. Trois semaines après le coup d'Etat contre le président Ibrahim Boubakar Keita (IBK), le Mali a entamé hier de larges concertations sur la transition, avec la participation des représentants des partis politiques, de la société civile, des syndicats ou encore des groupes armés signataires de l'accord de paix de 2015. Ces consultations, organisées par la junte militaire, devraient aboutir sur un accord définissant les modalités de la transition mais surtout la durée de celle-ci qui reste jusqu'ici le principal point clivant entre les différents acteurs maliens. Le lancement de cette consultation, avec plus de 1000 participants, avait subi, rappelle-t-on, un sérieux contretemps le week-end dernier. Les militaires l'avaient reportée, en pleine querelle avec un acteur primordial de la crise, le Mouvement du 5-Juin/Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). Hier, la rencontre, qui a commencé, en fin de matinée, au Centre international de conférences de Bamako, s'est ouverte en l'absence remarquée du chef de la junte, le colonel Assimi Goïta. "Les concertations se déroulent sous la présidence du colonel Goïta mais sans sa présence effective" aux travaux, a expliqué à des médias une source proche de la junte sans plus de détails. "Depuis le 18 août, nous abordons une nouvelle histoire de notre pays. Cette étape cruciale nécessite une profonde réflexion et l'implication de l'ensemble des filles et des fils de la nation", a déclaré à l'ouverture des travaux Malick Diaw, n°2 du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) mis en place par les putschistes. Le groupe de colonels qui a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août dernier a promis une nouvelle fois de rendre les commandes aux civils à l'issue d'une transition d'une durée encore indéterminée. La forme et la durée de cette transition, deux sujets de frictions avec la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) qui a imposé des sanctions aux nouveaux dirigeants militaires, ne sont pas encore fixées. Ces rencontres vont se dérouler à Bamako, ainsi que dans les capitales régionales du Mali, sous la houlette des gouverneurs de région, selon la junte. "La concertation nationale se poursuivra du 10 au 12 septembre 2020 (à Bamako) avec la participation des délégués régionaux et ceux de la diaspora", a précisé, pour sa part, Ismaël Wagué, le porte-parole du CNSP. Le M5-RFP, coalition d'organisations et de responsables politiques, religieux et civils réunis par leur opposition à l'ancien président, a mené pendant des semaines la contestation contre M. Keïta. C'est finalement un groupe d'officiers qui l'a déposé le 18 août, après sept années de pouvoir exercé avec le soutien de la communauté internationale dans le combat contre la propagation terroriste et pour la stabilité du Sahel. Sur le plan intérieur, le M5-RFP, qui a canalisé l'exaspération des Maliens devant la grave crise sécuritaire, économique et institutionnelle traversée par leur pays, mais aussi la corruption reprochée à toute la classe politique, réclame d'être placé sur un pied d'égalité avec la junte à l'heure de la transition. Il l'avait accusée de chercher à "confisquer" le changement, et sa figure tutélaire, l'imam Mahmoud Dicko, a prévenu les militaires qu'ils n'avaient pas "carte blanche". Depuis, et après s'être d'abord surtout entretenus avec les représentants étrangers pour les rassurer mais aussi demander la levée des sanctions imposées par les voisins ouest-africains, les militaires ont reçu, la semaine dernière, séparément les représentants du M5-RFP et des responsables de partis ou de syndicats. Chacun a exposé sa vision, en particulier sur la durée de la transition et qui, civil ou militaire, devra la conduire. Ces questions divisent militaires et responsables maliens, communauté internationale et experts. Les uns invoquent le temps et l'autorité indispensables pour relever les immenses défis auxquels fait face le pays et pour ne pas commettre à nouveau les erreurs d'un passé tourmenté. Les autres font valoir a contrario le risque d'un nouvel affaiblissement de l'Etat, d'une instabilité encore accrue dont profiteraient les terroristes, ainsi que le mauvais exemple régional donné par une junte maintenue durablement au pouvoir. La junte a proposé initialement trois ans sous la conduite d'un militaire, avant de rabaisser la barre à deux et de se dire ouverte sur son chef. Le M5-RFP a de son côté proposé une transition de 18 à 24 mois, avec des civils aux manettes des institutions. K. Benamar/Agences