Par : RAZIKA ADNANI Ecrivaine, philosophe et islamologue Chaïma, une jeune fille de 19 ans, a été assassinée et son meurtre a choqué l'Algérie tout entière. Mais, malheureusement, un grand nombre d'Algériens ont voulu justifier son assassinat comme ils l'ont fait avec d'autres femmes tuées, ainsi qu'avec beaucoup d'actes de violence perpétrés au quotidien dans la société algérienne. Leur inhumanité devant le meurtre d'une personne humaine est révoltante et surtout très inquiétante quand on sait que ce phénomène touche toutes les couches de la société. Même ceux qui se disent meurtris par le crime cherchent à trouver ce qui peut rendre la victime responsable de son propre assassinat. Dans toutes les sociétés, celui qui tue volontairement est reconnu comme étant un assassin. Cependant, comment qualifier celui qui justifie le meurtre ou l'assassinat ? Quel statut doit-on lui donner ? En disant au meurtrier "ce n'est pas ta faute, c'est la victime qui l'a cherché", ou "elle le méritait, donc, sous-entendu, tu as raison de l'avoir tuée", n'est-il pas plus coupable que l'assassin lui-même ? Si l'assassin a tué une personne, celui qui justifie le meurtre est le complice de l'assassinat de toutes les personnes. La vie d'un être humain est sacrée non pas parce que la personne se comporte bien ou mal, qu'elle est riche ou pauvre ou qu'elle est femme ou homme, mais parce qu'elle est tout simplement une personne humaine. La culture humaniste fait défaut à notre système moral, et c'est ce défaut qui fait que certains cherchent par tous les moyens à justifier la violence et le meurtre. L'Algérie n'a pas inculqué à ses enfants la morale humaniste. Elle a, en revanche, laissé se propager un discours qui fait croire que certaines personnes méritent d'être agressées et tuées parce qu'elles ne sont pas conformes à certaines normes morales, sociales et vestimentaires. Les Algériens ont bâti une morale qui veut tout donner à Dieu sans rien laisser à l'humain. Ils y trouvent tout ce qui permet à leurs sentiments les plus monstrueux de s'exprimer et embellissent les actes les plus barbares. Ainsi pour beaucoup, le meurtre atroce de Chaïma est une occasion pour ressasser sans réfléchir que le voile protège la femme et de prétendre que si Chaïma était voilée, elle n'aurait pas été violée et tuée. D'une part, ils ont la mémoire courte, beaucoup de femmes voilées sont également violentées et tuées. D'autre part, selon cette idée, ce n'est pas la femme qui doit être respectée, mais le voile, ce n'est pas l'être humain, mais le morceau de tissu de sorte que lorsque celui-ci n'est plus là, l'être humain ne vaut plus rien. On ne soigne pas une maladie en se contentant de dire que la personne est malade et qu'elle souffre énormément. On la soigne en diagnostiquant objectivement ses causes. Il est urgent pour l'Algérie de lancer une réflexion profonde sur les éléments qui nourrissent la violence et de promouvoir une culture humaniste qui apprenne aux enfants, mais aussi aux adultes, que la vie et la dignité de l'autre sont inviolables pour la simple raison qu'il est une personne humaine. L'humanité doit toujours être traitée comme une fin et jamais simplement comme un moyen, nous dit le philosophe allemand Emmanuel Kant. Autrement dit, on ne respecte pas une personne humaine, sa vie, sa liberté pour réaliser un objectif ou satisfaire un désir individuel ou collectif, mais parce que c'est notre devoir de le faire.