En dépit de l'existence d'un important programme d'aides au retour des familles ayant déserté leurs douars et leurs terres dès le début de la décennie noire, nombreuses sont celles qui refusent toute discussion sur leur retour. Les chiffres officiels sur l'exode massif parlent de plus de 8 000 familles en raison de la situation sécuritaire. Des hameaux et des douars entiers, tels Bellas, Bathia, Hassania, Zedinne, Matmata, Tarik Ibn Ziad, Oued Chorfa avaient été désertés par de nombreuses familles. En quête d'un semblant de sécurité, ces familles n'ont pas trouvé mieux que de s'installer à l'orée des grandes villes, comme Khemis Miliana, Miliana, Hammam Righa, Aïn Defla, Bouira, El-Attaf et autres, abandonnant terres, vergers, jardins et vendant leurs bêtes à des prix dérisoires juste pour louer un garage, un abri ou bâtir une maisonnette en parpaing, zinc ou en terre. Ce n'est qu'en 2004, que l'Etat a pu réagir en concoctant une stratégie de retour en lançant la construction de nouveaux pôles d'habitations dans certains endroits abandonnés. Par contre, des dizaines de familles ont accepté de retourner À Oued El-Had et Mekhatria. À Aïn N'sour, en dépit de la construction de plus de 70 logements, seulement une dizaine a accepté l'offre, mais en déchantant vite à cause de l'absence d'eau potable et de la cherté du transport. D'ailleurs, certaines familles, venues lors des grandes vacances, sont, dès la rentrée scolaire, retournées d'où elles venaient. Au douar Guenbou, situé sur la route nationale, à quelque 5 km à l'est d'Aïn Defla, une nouvelle agglomération a poussé : des centaines d'habitations de fortune ont été érigées par des habitants venus de Dahamane, Feghaïlia, Hassania, Berbouche et Bathia. Dans ce douar, la déperdition scolaire a atteint des chiffres alarmants. Pis, certains enfants n'ont jamais été scolarisés car forcés de travailler pour aider leur famille. Ces enfants, en quête de travail dans les champs de pommes de terre et autres produits agricoles, sont chaque jour aux abords de la RN4 à proposer des pommes de terre, des figues de barbarie, des poires, des pommes et de la laitue aux usagers à des prix défiant toute concurrence. Dans ce douar, où nous nous sommes rendu avec des confrères, l'unanimité est contre le retour. “Nous avons marre de nous déplacer continuellement. Là-bas, nous avons tout perdu et les souvenirs des incursions, des massacres ne s'effaceront jamais. Alors, pas question d'y retourner”, nous dit Abdelkader. “Les responsables sont venus maintes fois nous voir. On les a mis au courant que nous ne retournerons pas, même si on vit dans des gourbis, sans eau ni électricité. La situation est la même”, dira Hocine. Quant à Aziz, maçon, il met en exergue la situation qui prévalait auparavant : “L'Etat nous a abandonnés au moment où on avait besoin de lui. On ne lui demande rien, ni route ni moyen de transport, ni aides, ni travail mais qu'ils nous laissent vivre avec nos malheurs.” “L'Etat n'a qu'à lancer ces constructions ici et les soi-disant aides seront plus bénéfiques ici qu'à la montagne.” On quitte Guenbou avec des images d'égouts à ciel ouvert, de chiens teigneux sommeillant à l'abri des gourbis, des enfants qui revenaient avec des troupeaux de bêtes. Presque chaque habitation dispose d'une écurie. Ici, le temps semble s'être arrêté. MOHA B.