Les autorités françaises ont lancé hier une vaste opération policière contre la mouvance islamiste, après la décapitation vendredi d'un professeur d'histoire-géographie victime d'une "fatwa", selon le ministre de l'Intérieur, pour avoir montré à ses élèves des caricatures de Mahomet. Dans le viseur : "des dizaines d'individus" qui n'ont pas un "lien forcément avec l'enquête" mais auxquels le gouvernement a "manifestement envie de faire passer un message : (...) pas une minute de répit pour les ennemis de la République", a dit le ministre, Gérald Darmanin, à la radio Europe 1. Selon une source proche du dossier, il s'agit de personnes connues des services de renseignements pour des prêches radicaux et des messages de haine sur les réseaux sociaux. Depuis l'assassinat de Samuel Paty, qui enseignait à Conflans Sainte-Honorine, à l'ouest de Paris, les enquêteurs ont aussi placé 11 personnes en garde à vue, et "plus de 80 enquêtes" ont été ouvertes contre "tous ceux qui de façon apologique ont expliqué d'une manière ou d'une autre que ce professeur l'avait bien cherché", a indiqué M. Darmanin. Les enquêteurs antiterroristes cherchent notamment à établir si le meurtrier, un Russe tchétchène de 18 ans, a bénéficié de complicité. Ce dernier, Abdoullakh Anzorov, né à Moscou, a été tué de neuf balles par la police. Son acte a provoqué un électrochoc en France. Dimanche, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté pour défendre la liberté d'expression et dire non à "l'obscurantisme", tandis que le président Emmanuel Macron réunissait un conseil de défense, durant lequel il a martelé : "La peur va changer de camp" ; "les islamistes ne doivent pas pouvoir dormir tranquilles dans notre pays", selon le palais présidentiel de l'Elysée. À l'issue de 2h30 de réunion avec le Premier ministre Jean Castex, cinq ministres ainsi que le procureur antiterroriste Jean-François Richard, le chef de l'Etat a annoncé un "plan d'action" contre "les structures, associations ou personnes proches des milieux radicalisés" et qui propagent des appels à la haine. Selon M. Darmanin, 51 structures associatives "verront toute la semaine un certain nombre de visites des services de l'Etat et plusieurs d'entre elles (...) se verront dissoudre en Conseil des ministres". Le ministre veut notamment dissoudre le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) – "un certain nombre d'éléments nous permettent de penser que c'est un ennemi de la République" – et l'association humanitaire Baraka City, fondée par des musulmans au profil salafiste. La ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa, a, elle, réuni lundi les patrons de la police et de la gendarmerie pour étudier de nouvelles dispositions contre "le cyber-islamisme", tandis que le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti convoquait en urgence les procureurs généraux. Le ministre de l'Intérieur a par ailleurs accusé le père d'une collégienne de Conflans Saint-Honorine et un militant islamiste radical, Abdelhakim Sefrioui, d'avoir "manifestement lancé une fatwa" contre M. Paty pour avoir montré en classe des caricatures de Mahomet. Les deux hommes qui avaient lancé une campagne de mobilisation pour dénoncer l'initiative du professeur font partie des onze gardés à vue dans l'enquête sur cet attentat.