Au lendemain du référendum sur la révision de la Constitution, le pouvoir est à la recherche d'une issue honorable. Face à un désaveu sans appel de la population qui a boudé massivement le référendum constitutionnel, les autorités sont à la recherche de solutions. En attendant, les rares porte-voix du pouvoir politique qui se sont exprimées jusque-là se contentent d'éléments de langage, distillés çà et là pour tenter d'atténuer l'ampleur de la déroute. Lors de la traditionnelle conférence de presse consacrée à l'annonce des résultats du scrutin référendaire, le président de l'Autorité nationale indépendante des élections (Anie), Mohamed Charfi, ne s'est pas contenté de proclamer les chiffres de la consultation référendaire. Il s'est cru obligé de se lancer dans une longue digression visant à expliquer et à justifier la faiblesse du taux de participation. Il a estimé que "le taux de participation de 23%, en dépit des circonstances sanitaires que traverse le pays, constitue une preuve de ralliement de peuple autour de changement". L'homme poussera même le bouchon plus loin en déclarant : "Lors de la présidentielle, nous avons gagné un président hallal, et lors du référendum, nous avons gagné une Constitution hallal." La déclaration de Mohamed Charfi ne constitue pas un acte isolé. Elle a même servi de prélude à une symphonie de tous les partisans du régime dont le but est de cacher l'essentiel, un taux de participation historiquement bas. Des "associations de la société civile", des partis de l'ancienne alliance présidentielle, en passant par un communiqué de la présidence de la République, le mot-clé a été de mettre l'accent sur le "langage de vérité" des autorités qui ont annoncé un réel taux de participation alors qu'elles auraient pu triturer les chiffres. Les résultats du référendum sont l'expression "réelle et intégrale" de la volonté du peuple, a, par exemple, indiqué la présidence de la République dans un communiqué rendu public, dimanche soir, comme pour couper court aux critiques émanant de l'opposition quant à l'invalidité d'un scrutin qui n'a pu attirer qu'une petite minorité de citoyens. À travers ces affirmations, le pouvoir entend détourner l'attention du problème de fond. Il veut également se donner une autre forme de légitimité. Une façon pour lui de tenter de transformer une défaite en victoire, en mettant l'accent sur quelques aspects des résultats de la consultation qu'il présente comme un exploit. La reconnaissance du faible taux de participation (ou du très fort taux d'abstention) servira à crédibiliser le pouvoir en ce sens qu'il aura démontré qu'"il dit toujours la vérité et qu'il a rompu avec le comportement et les mensonges du passé", indique le politologue Rachid Grim pour qui le pouvoir "pense pouvoir rendre crédible et acceptable par une large partie des citoyens les décisions importantes qu'il ne manquera pas de prendre à l'avenir". À travers ces éléments de langage et en l'absence de réels contre-pouvoirs, les autorités comptent ainsi, à défaut des vraies solutions à la crise, continuer à dérouler leur feuille de route. Après la promulgation de la nouvelle Constitution — après la signature obligatoire du chef de l'Etat —, le pouvoir va proposer au Parlement une nouvelle version du code électoral et probablement de la loi sur les partis politiques. Le but étant d'aller au plus vite vers des élections législatives, probablement au début de l'année prochaine, afin de "doter le pays d'instances crédibles", avait promis Abdelmadjid Tebboune, lors d'une récente sortie médiatique.