Victorieux de Donald Trump, le président élu des Etats-Unis Joe Biden devra livrer d'ici janvier une nouvelle bataille politique majeure pour la reprise du Sénat, dont dépendra sa capacité à mener des réformes ambitieuses. L'élection présidentielle a été serrée et la conquête de la Maison Blanche ne s'est pas accompagnée d'une vague démocrate. Le contrôle de la chambre haute du Congrès se jouera le 5 janvier lors d'une double élection partielle dans l'Etat conservateur de Géorgie. Deux sièges y sont en jeu, qui pourraient faire basculer la majorité du côté démocrate au Sénat. Or aucune loi ne peut être adoptée sans la chambre haute, qui a aussi le pouvoir d'approuver les nominations présidentielles : ses ministres, ses ambassadeurs et les juges, notamment à la Cour suprême. "Et maintenant nous prenons la Géorgie, et nous changeons le monde !", a lancé samedi le chef de la minorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer devant des passants en liesse à New York après la victoire de Joe Biden. Lutte contre la pandémie de Covid-19, vaste plan d'aide économique, climat, immigration, diplomatie... les enjeux sont immenses. La Chambre des représentants a conservé sa majorité démocrate. Avec un Congrès divisé, "Biden va devoir affronter la réalité", estime John Pitney, professeur en sciences politiques à l'université californienne de Claremont McKenna. "Il y a des limites à ce qu'il pourra obtenir". La bataille en Géorgie sera serrée. Le comptage du scrutin présidentiel de mardi n'y est pas achevé, et Joe Biden n'y mène que d'une courte tête. Cet Etat n'a pas voté pour un candidat démocrate à la Maison Blanche depuis 1992 mais sous l'effet d'une évolution de l'électorat et d'un effort inédit pour mobiliser les électeurs issus des minorités, les démocrates se prennent à rêver de gagner ces deux sièges. Ils comptent aussi sur l'élan d'enthousiasme que pourrait donner la victoire de Joe Biden. Kamala Harris décisive Les républicains détiennent actuellement la majorité au Sénat, avec 53 sièges sur 100. Trente-cinq sièges étaient en jeu lors des élections présidentielle et parlementaires de mardi. Les démocrates sont parvenus à réduire la majorité républicaine d'une voix. S'ils arrachaient les deux sièges de Géorgie, les deux partis se retrouveraient avec une égalité parfaite. La Constitution prévoit alors que la vice-présidente Kamala Harris puisse départager les éventuels votes à 50 sénateurs contre 50. Si le Sénat restait républicain, Joe Biden, élu de la chambre haute pendant 36 ans, devrait mettre en œuvre ses talents de dialogue et de négociateur. Le président élu devrait surtout composer avec Mitch McConnell, le chef de la majorité républicaine au Sénat, maître tacticien redouté. A 78 ans, après une alliance de quatre ans avec Donald Trump, il apparaîtrait alors comme l'homme fort côté républicain. Joe Biden et Mitch McConnell se connaissent bien. En 2013, lorsque le démocrate était le vice-président de Barack Obama, ils avaient œuvré à l'adoption in extremis d'un accord budgétaire. "McConnell va agir dans l'intérêt de McConnell", souligne John Pitney. "Il ne va pas donner à Biden de passe-droit juste à cause d'une amitié. McConnell ne fonctionne pas comme cela." Le sénateur républicain Lindsey Graham, autre grand allié de Donald Trump, a indiqué cette semaine qu'il chercherait des sphères de "compromis" avec le 46e président des Etats-Unis. Joe Biden "mérite d'avoir son cabinet. Je lui ferai savoir qui je pourrais approuver comme secrétaire d'Etat, ministre de la Justice", a-t-il expliqué à des journalistes. "Il y aura peut-être des gens pour qui je ne peux vraiment pas voter si je pense qu'ils ne sont pas qualifiés, ou trop extrêmes", a-t-il ajouté, posant des limites aux nominations que Joe Bien pourrait effectuer. R. I./Agences