Sur le plateau, depuis deux mois, “Belles de nuit”, écrit par Merzak Begtache et réalisé par Dahmane Ouzid. récit de la galère. Le film porte un nom connu : Belles de nuit. En arabe on l'a appelé Fleurs du soir. Ce n'est pas un problème. Douze épisodes de vingt-six minutes. Beaucoup de rêves livrés aux Algériens. Des séquences qui flirtent avec le large. Les Algériens aiment partir. Tout se passe dans un port. Le mieux se déroule dans une pépinière. Là où on élève le vert. Ce que n'aime pas le pays. Le scénario est fait par Merzak Begtache, grand écrivain devant le lecteur. Le film est réalisé par Dahmane Ouzid, un monsieur qui aime son métier mais qui n'aime pas les dos d'âne. Il est réalisateur, il ne veut pas s'occuper d'autre chose que de l'image. Le tout est géré au niveau financier par Tahar Harhoura, un producteur connu, rompu au métier. Il ne lui échappe pas que les comptes d'épiciers sont mauvais. Daho Mohamed est producteur exécutif. Il n'a pas d'argent. Le pétrole se vend à 67 dollars le baril. Le producteur fait la manche. Les acteurs s'appellent : Rachid Farès, Mohamed Ourdache, Ahmed Benaïssa, Rabah Lechaâ, Rania Serruti, Benkhelifa Abdelbasset, Larbi Zekkal, Fatiha Berber, Amal Himer. Un panel affolant ! Après huit semaines de tournage, tout le monde chôme. Comédiens et techniciens. C'est quoi donc ce pays où les responsables de l'audiovisuel se couchent sur l'argent ? Ne veulent rien donner ? Rien faire ? Dahmane Ouzid prend un feuilleton au vol et zéro centimes. Ridicule. À l'heure où tout le monde fait des sit-coms, des films tournés sur canapés, il a l'audace d'aller affronter les extérieurs. Parfois, les éléments. Ça coûte cher. Un milliard trois cent millions de centimes. Pourri ! Avec ça, on tourne un simulacre d'attentat. Tonic a pris à l'Etat par banques interposées quatre-vingt-deux milliards de dinars. Un volume en argent qui ne pourrait tenir nulle part. Pas même sur une des tours jumelles de Manhattan. Belles de nuit a tous les problèmes du monde. Ceux qui le vivent ne comprennent pas. Abdelkader, après un chagrin d'amour, quitte son pays. Il s'exile quinze ans. Il vit en France. Il revient. Il n'a pas pu épouser Dalila. Il a des idées. Il aime les essences. Il se fait pépiniériste. Par hasard, il renoue avec son ex-amie. Il croise Djaâfar, l'ex-mari de Dalila. Les choses se corsent. Merzak Begtache a fait le meilleur calcul du monde : une belle histoire. Il a oublié que la télévision algérienne est pleine de belles paroles. Vide dans les poches. Dommage, ce film entamé par le réalisateur Benkamla et qui va être finalement fait par Dahmane Ouzid a beaucoup d'aspects séduisants. Notamment, les regards de Larbi Halis, le chef éclairagiste et celui aussi beau du sonoriste Akli, vétéran du théâtre national algérien. Que d'artistes ! L'Algérie est capable d'engendrer les créateurs. Dahmane Ouzid nous le disait : “Je suis réalisateur, je ne sais pas ou ne veux rien faire d'autre. Qu'on me laisse faire du cinéma ! Qu'on ne me parle pas de logistique !” Saïd Guenif, ingénieur du son, observe, il rit. Une grande tension règne sur le plateau. Les techniciens ne sont pas contents. Les délais de paiement n'ont pas été respectés. Chaque semaine, on doit leur donner une avance sur cachet. Cela fait deux mois qu'ils mendient quelques dinars pour subsister. Les comédiens n'en mènent pas plus large. Il y a menace de grève dans l'air. Pendant ce temps, l'histoire écrite par Begtache se dessine. Il y a beaucoup de courage dans cette équipe et peu d'argent. L'Entv a fait des ponts d'or à certains réalisateurs et étalé des descentes de lits à d'autres. Que se passe-t-il ? La télévision nationale prétend offrir de grands moments de spectacle aux Algériens en payant avec des cacahuètes. Impossible ! Pendant ce temps, en live et à coups de milliards, la même télé nous joue un sit-com sur la réconciliation nationale, en live. Amen. Coupez ! Meziane Ourad