Le leader du Front des forces socialistes (FFS) ne se fait pas trop d'illusions : la charte pour “la paix et la réconciliation nationale” soumise à référendum après demain ne vise, dans son contenu, qu'à “imposer un pouvoir fantasque absolu”. “Le régime ne demande pas pardon pour le désastre provoqué, ne se remet pas en cause, mais responsabilise au contraire la société du marasme politique, social et économique dans lequel sa gestion nous a plongés. Voilà pour le fond et le contenu d'une charte qui ne vise qu'à imposer un pouvoir fantasque absolu, assurer l'impunité des forces de sécurité et réduit le conflit algérien à un simple terrorisme en occultant toute sa dimension politique”, estime Hocine Aït Ahmed dans un entretien accordé à notre confrère El Watan et publié dans son édition d'hier. Selon lui, le projet “n'a rien à voir ni avec la réconciliation ni avec la paix”. “C'est une volonté d'instrumentaliser l'aspiration légitime des Algériens de vivre réconciliés et en paix pour se faire plébisciter (Bouteflika, ndlr)”, dit-il. Un plébiscite, poursuit-il, qui permettra à Abdelaziz Bouteflika de réaliser ses propres ambitions dont tout indique qu'elles “se soucient assez peu du destin et du sort des Algériens”. “Globalement, il s'agit tout simplement d'imposer à notre société une lecture de l'histoire que le régime a écrit de bout en bout. Cette version officielle le blanchit, lui donne le beau rôle et incrimine la société algérienne de la situation catastrophique dans laquelle se trouve notre pays”, ajoute-t-il encore. Accusant le pouvoir de “révisionnisme indécent et extravagant”, en ce sens que dans l'esprit de la charte, il est désormais interdit à quiconque de revendiquer la vérité sur la décennie écoulée, sous peine d'être accusé de hors- la-loi, du jamais-vu, même pas en Argentine ou au Chili, dit-il, Aït Ahmed le charge de vouloir imposer l'amnésie et l'autoritarisme. “Non content d'avoir confisqué aux Algériens leur droit d'avoir des droits, le pouvoir veut désormais leur interdire toute mémoire. C'est un acte de guerre contre la société, une sommation de renoncer définitivement à notre souveraineté et de la transférer à un seul homme.” Interrogé sur les chances que son appel au boycott soit entendu, le leader du FFS, convaincu du recours du pouvoir à la fraude, et observant au passage que le débat a été évacué de la campagne référendaire — une campagne qu'il assimile à un “tsunami populiste” et au dictateur nord-coréen Kim Il Sung — soutient que “les Algériens comprennent le piège qui leur est tendu”. “Les Algériens sont sans cesse appelés à voter, mais ce ne sont jamais les urnes qui ont décidé de leur destin, ni les résultats sortis de ces urnes qui ont exprimé leurs aspirations”, dit-il non sans exprimer des appréhensions de voir l'opinion internationale cautionner la “mascarade”. Comment voit-il l'après-référendum ? “Le pouvoir est en guerre contre une société qu'il ne parvient pas à contrôler. Son refus du moindre changement prépare de nouvelles conflagrations”, estime-t-il en préconisant cependant une transition démocratique, laquelle doit se faire avec le pouvoir. Optimiste à souhait, Aït Ahmed croit à l'existence d'une sortie de crise pour peu que les règles du jeu démocratique soient respectées car, à ses yeux, la société pluraliste et moderniste existe. “Je reste persuadé qu'au sein même du régime, des hommes et des femmes sont lucides sur l'impasse dans laquelle nous sommes, et savent combien la démarche actuelle est dangereuse (…).” Favorable à l'intégration des islamistes dans le jeu politique, mais dans le strict respect de la loi, Aït Ahmed explique la participation de son parti, le FFS, aux élections partielles en Kabylie par le souci d'empêcher “une tchétchénisation annoncée”. Quant au dialogue engagé entre le groupe d'Abrika et le pouvoir, il est assimilé à un “chacal qui s'amuse à négocier avec sa queue”. Enfin, à une question sur le traité d'amitié entre l'Algérie et la France, Aït Ahmed qualifie de “scandaleuse et de stupide” la loi du 23 février qui loue le rôle positif de la colonisation. Parallèlement, il accuse Bouteflika de surenchérir en ce sens qu'il demande à la France de reconnaître ses crimes, du reste légitime, précise-t-il, et de demander aux Algériens de pardonner aux criminels. “Tout se passe comme si le pouvoir n'exigeait aujourd'hui de la France une repentance — par ailleurs, je le répète légitime — que pour mieux contraindre les responsables français à continuer à observer un silence assourdissant sur la situation de notre pays et à cautionner la dérive totalitaire qui est en marche”, conclut-il. Synthèse R. N.